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Éloge du magasin Contre l’amazonisation

Vincent Chabault Gallimard, 2020, 176 p., 18 €

Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le sous-titre, ce livre n’est pas un pamphlet contre Amazon et consorts. Il en démontre plutôt l’impossibilité concrète. Vincent Chabault, auteur d’une Sociologie de la consommation (Dunod, 2017), considère le magasin « comme un espace social sur lequel se structurent des décisions, des actes d’achat et, plus largement, une culture marchande ». Et celle-ci se transforme du fait des plateformes numériques — ce que désigne le néologisme « amazonisation » —, bien au-delà de l’approvisionnement en ligne. Mais cette transformation n’implique pas la fin du magasin, n’en déplaise aux tenants du « retail apocalypse » ! Au contraire, révolution numérique et commerce en ligne en font ressortir certains de ses aspects essentiels : lieu de relations et de construction identitaire. Du marché du dimanche aux « nouveaux commerçants » (caviste, boucher, fleuriste…), des malls — héritiers des galeries et des passages de la fin du XIXe siècle — aux commerces de la Goutte d’Or, le magasin est signe d’une appartenance et d’un style de vie. Il n’est pas en opposition à Internet : une partie de l’essor vertigineux de l’enseigne Action en France (400 magasins ouverts en six ans, dont 115 pour la seule année 2017) tient au dynamisme d’une communauté d’internautes. Le besoin de relation et de confiance, la matérialité des lieux d’échanges gagnent en fait en importance à mesure que se développent les ventes en ligne. En attestent les milliers de points relais en France transmettant une partie des quelques 500 millions de colis expédiés chaque année, ou encore Le Bon Coin dont 80 % des ventes (110 millions de transactions en 2017) se réalisent en face à face… Des bazars de Barbès aux deux mille librairies indépendantes de l’Hexagone, des foires au vin aux magasins aéroportuaires (travel retail), lectrices et lecteurs sont invités « à une promenade marchande et à une prise de recul vis-à-vis de pratiques quotidiennes, porteuses de significations ». Promenade aussi sérieuse qu’agréable, promenade convaincante : le magasin a de beaux jours devant lui, et, quelque part, contribue à la beauté des jours.

Émilie Reclus
25 mai 2020
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