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Simone Weil, la vérité pour vocation

Ludivine Benard Éditions L’Escargot, 2020, 208 p.

Autant le dire d’emblée : ce petit ouvrage, paru dans la collection « Vraiment Alternatifs » consacrée à de grandes figures intellectuelles (telles Orwell, Péguy, Camus, Chesterton), est une remarquable introduction à la vie et à l’œuvre de Simone Weil (1909-1943). Remarquable de clarté et de concision. La journaliste Ludivine Benard saisit l’essentiel : la volonté farouche de cette philosophe, élève d’Alain, de « s’exposer pour découvrir la vérité » et être en « contact direct avec la réalité » ; son destin de comète. « Je ne veux pas exalter Simone Weil », disait Gustave Thibon qui l’a très bien connue, éditeur de La Pesanteur et la Grâce en 1947, « mais c’est le seul être chez lequel je n’ai vu aucun décalage (…) entre l’idéal qu’elle affirmait et la vie qu’elle menait ». Pour cela, pour sa quête d’absolu, Simone Weil fascine. Militante dans les milieux syndicalistes des années 1930, dénonçant très tôt la colonisation, engagée aussi brièvement qu’intensément en Espagne en 1936, résistante, puis pour un temps et au risque de sa santé fragile, manœuvre sur machine, ouvrière agricole… Sa pensée fascine, singulière, tendue à l’extrême, jusqu’à la contradiction, unissant Platon à Marx. « On peut la définir aussi bien comme une spiritualiste qui est restée une matérialiste ou comme une matérialiste spirituelle » nous dit l’un des meilleurs spécialistes de son œuvre. Weil s’est opposée en son temps à toute doctrine, rédigeant une fameuse Note pour la suppression générale des partis politiques (1940) tout comme une Lettre à un religieux (1942) où elle critique vertement l’Église catholique. Sur un autre plan, elle a récusé l’idée du caractère sacré de la personne humaine avancé par le courant personnaliste. À ses yeux, explique Ludivine Benard, « ces intellectuels ignorent à quel point la personne des autres est soumise au malheur, à la détresse. Hors-sol, ʻils n’ont pas de contact avec la matière humaine anonymeʼ ». Weil se trouve aujourd’hui dans nombre de réflexions sur le travail, la non-violence ou encore l’attention. Et L’Enracinement, son grand-œuvre rédigé en Angleterre à la demande de la France libre, inachevé, publié à titre posthume par Albert Camus en 1949, n’a pas fini d’intéresser, ni d’être débattu… L’autrice, décroissante, attire aussi l’attention sur un aspect moins relevé de la pensée weilienne : pointant la finitude du monde, « Weil entrevoit l’abîme productiviste qui annonce l’effondrement ». Une philosophe pour notre temps !

Émilie Reclus
8 avril 2020
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