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La Revue Projet, c'est...

Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.

Le travail et après ?

Rodolphe Christin, Jean-Christophe Giuliani, Philippe Godard et Bernard Legros Écosociété, 2017, 108 p., 14 €, e-pub 10€

Si l’objet de ce petit livre n’est pas vraiment nouveau, la manière de l’aborder tranche par son audace et la vivacité du ton. Il s’agit d’en finir avec le discours dominant de valorisation du travail, de « civilisation du travail », aussi obsolète que le modèle économique « croissanciste », et d’oser penser une société libérée du travail « au-delà du capitalisme ». L’époque de la « servitude volontaire » et de la société de contrôle par le travail s’achève. Bonne nouvelle ! S’ouvrent les perspectives d’un « chômage créateur » (Illich), libéré des soucis d’intendance par la grâce du revenu universel. Il devient pensable de « découpler le revenu du travail et d’attacher le droit à la personne plutôt qu’à l’emploi » dans le cadre d’une « vie nouvelle délivrée des affres de la soumission marchande » par un complet changement de « mode de vie individuel et collectif ». D’où le rôle crucial d’une pédagogie placée sous le signe d’Épiméthée, le frère de Prométhée, héraut d’une « hypomodernité » où « une vie riche n’a rien à voir avec une vie de riche ». Vive la sobriété heureuse ! Reste à savoir si les auteurs ne vont pas trop vite en besogne, si l’on peut dire. Que la part du travail soit amenée à diminuer dans des temps proches, c’est probable. Que celle du temps libre s’élargisse encore après un siècle d’évolution en ce sens, c’est souhaitable. Mais la  question demeure : par quoi le remplacera-t-on comme vecteur d’intégration et de cohésion ? C’est une question qui aurait mérité autre chose qu’un revers de main sur fond de réduction du travail à la souffrance. Car comment expliquer que plus des deux tiers des salariés se déclarent « heureux », voire « très heureux » au travail ? Effet d’aliénation ? Ou donnée contre-intuitive qui justifiait de s’interroger, comme l’avait fait en son  temps François Chérèque : « N’ai-je pas une vision de leur situation plus négative que ces salariées ? […] C’est une leçon de vie pour un syndicaliste comme moi, parfois enclin à noircir le tableau… » ?

Jacques Le Goff
10 octobre 2017
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