Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site

Le travail invisible. Enquête sur une disparition

Pierre-Yves Gomez François Bourin éditeur, 2013, 264 p., 22€

Pierre-Yves Gomez propose une réflexion très documentée sur le travail dans une société financiarisée. Celle-ci perd de vue les réalités concrètes et matérielles du travail, oblitérant ses aspects subjectif (la réalisation de soi) et collectif (rien n’est jamais fait seul), pour ne conserver que ses résultats quantifiables. C’est cette évaluation chiffrée généralisée du travail – et son assimilation à sa contribution au profit – qui rend le travail « invisible », caché derrière les tableaux de bord des gestionnaires et des financiers. Caché, plus profondément encore, derrière l’objectif managérial et actionnarial de compétitivité. Mais l’intérêt de l’ouvrage réside sans doute dans le lien qui est fait entre « l’esprit de rente » (la désolidarisation revenus/efforts), la financiarisation de l’économie (« quand la finance n’est plus une ressource pour réaliser des objectifs économiques mais devient l’objectif lui-même ») et le travail rendu invisible. L’auteur critique en effet le financement de la « rente » (chômage, retraite, dividendes, etc.) par les marchés financiers vers lesquels s’oriente la myriade d’épargnes des ménages. Cette financiarisation de l’économie amenuise toujours plus le lien des professionnels de la finance, nouvelle oligarchie politico-financière, d’avec « la vraie vie » (en particulier en termes de salaires). Et paradoxalement, les travailleurs épargnants, premières victimes de la course au rendement, en sont aussi les premiers bénéficiaires – du fait même de la rente qu’elle génère – et ont tout intérêt à faire pression pour augmenter le profit de ces quelques-uns. C’est-à-dire pour exploiter le travail : la financiarisation inverse le sens du travail qui s’ajuste à un résultat défini a priori. Pierre-Yves Gomez engage, avec verve, à une lutte pour reconnaître le travail vivant et pour l’envisager comme un aspect vital de l’humanité et de la société. Il s’agit, finalement, de réhabiliter de toute urgence le travail comme le vrai créateur de valeur, contre une économie spéculative qui en oublie la réalité. Le lecteur conquis pourrait sans doute apprécier des propositions plus précises pour mettre en œuvre cette réhabilitation mais la thèse générale de Gomez convainc.

Louise Roblin
24 mars 2017
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules