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Le management désincarné. Enquête sur les nouveaux cadres du travail

Marie-Anne Dujarier La Découverte, 2015, 264 p., 18,50 €

Marie-Anne Dujarier consacre la plus grande partie de son livre à ces nouveaux cadres, non-encadrants, qu’elle désigne sous le néologisme de « planneurs ». Une anecdote les peint tout entiers : « Laurence est responsable de l’accueil dans une grande entreprise de loisirs… Elle conçoit des procédures d’accueil destinées à améliorer la ‘satisfaction’ client. Elle n’a pas l’expérience de cette activité. La procédure qu’elle a rédigée [discutée avec ses homologues : contrôle de gestion, DRH] sera transmise ‘pour application’ aux managers de sites qui devront la ‘répercuter’ sur les employés en charge de l’accueil. Ceux-ci n’ont jamais vu Laurence de leur vie et la plupart ignorent même son existence » (p. 145). On pense à une plaisanterie. Mais les grandes organisations et, tout particulièrement, la fonction publique comme les cabinets de conseil, fourmillent de ces cadres dont l’essentiel de l’activité consiste à mettre au point des dispositifs de plus en plus complexes, censés mesurer l’atteinte des objectifs (le management par les nombres) et fixer les procès d’exécution. Tout cela accompagné de dispositifs « d’enrôlement », car il faut convaincre les agents du bien-fondé de ces tâches supplémentaires qui les distraient de leur mission principale. Bien-fondé dont tous, opérateurs, manageurs de proximité et « planneurs » eux-mêmes doutent, si l’on en croit les propos recueillis par Marie-Anne Dujarier. Ainsi, les opérateurs estiment qu’ils ne sont plus en situation de bien faire leur travail et les « usagers, patients ou clients » s’étonnent de la moindre qualité du service rendu ou de sa complexification. Même les dirigeants se doutent que les indicateurs, dont ils sont censés se servir pour piloter leurs organisations, sont peu fiables… Mais ils semblent n’en tirer aucune conclusion, sauf à constater qu’ils ne pilotent plus rien, comme le rapporte le sociologue François Dupuy dans Lost in management (Seuil, 2011). L’organisation devient une machine qui tourne pour elle-même et où la peur s’installe. À lire Marie-Anne Dujarier, la technocratie, le taylorisme et le management par la crainte (de perdre son emploi ou de ne pas faire carrière…) ont de beaux jours devant eux !

Bernard Bougon
13 janvier 2016
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