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Osons rester humain. Les impasses de la toute-puissance

Geneviève Azam Les Liens qui Libèrent, 2015, 222 p., 18,50 €

Comment en finir avec le dualisme nature/société qui nous mène aujourd’hui au bord du collapsus écologique ? D’après Geneviève Azam, qui ne craint pas de forcer le trait, deux voies sont aujourd’hui empruntées. La première prétend supprimer l’extériorité de la nature, dans un fantasme technoscientifique aux soubassements économiques bien réels : l’économie de marché tend à internaliser la nature comme capital naturel et pourvoyeuse de services auxquels on pourrait attacher un prix. Au-delà, les corps eux-mêmes seraient pris dans ce monde « cyborg » (en référence à la cybernétique) que l’auteure entrevoit. Il y serait possible, dans un délire de toute-puissance et de contrôle absolu, de refuser la mort, mais aussi la naissance naturelle (qui serait externalisée dans un utérus artificiel) ou encore la distinction biologique entre masculin et féminin. La seconde voie accepte que quelque chose de et dans la nature nous échappe, radicalement ; que quelque chose nous soit donné, indépendamment de notre volonté ou de nos desseins ; que l’expérience du monde soit sensible, et ne se réduise pas à un ensemble de données communicables. Cette voie explore notamment « des techniques conviviales, des low tech, qui n’altèrent pas l’autonomie des sujets et n’aliènent pas du monde ». De formation économiste, Geneviève Azam a recours, pour appuyer ses propos, à des philosophes (Hannah Arendt), des géographes (Élisée Reclus), ou des poètes et des écrivains. Elle contredit la notion d’hybridation développée par Bruno Latour et la mode des « controverses », rappelant que le monde est fait de luttes concrètes, comme celles autour des OGM ou des gaz de schistes… La clé de l’ouvrage se trouve dans ses dernières lignes : « Oser rester humain signifie à la fois se libérer du dualisme occidental et s’opposer aux biopouvoirs et géopouvoirs qui entendent supprimer la nature pour nous délivrer de notre fragilité et des limites qui nous fondent. »

Jean Vettraino
19 janvier 2016
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