En 2013, les polémiques autour de la crèche privée Baby-loup enflamment la classe politique, invitée pourtant à la mesure par la Cour de cassation qui rappelle que « le principe de laïcité n’est pas applicable dans la sphère privée » ! Mais qu’est-ce que la laïcité ? C’est ce qu’Émile Poulat s’efforce de nous expliquer dans Notre laïcité ou les religions dans l’espace public. Et ce n’est pas si simple ! La laïcité (le mot s’impose en 2005) est d’abord une notion de « vivre ensemble » : le concept vient de loin et s’élabore progressivement. Des humanistes, qui prônent la tolérance, au Siècle des lumières, qui invoque la « Raison », relayé par la Révolution, qui entame la déchristianisation, tous luttent en fait contre la religion catholique, considérée comme le seul fondement moral du lien social. Des lois scolaires de Jules Ferry jusqu’à la séparation de l’Église et de l’État en 1905, la religion devient une affaire privée, mais la liberté de conscience est publique et garantie par l’État. La présence nouvelle de l’islam dans la sphère publique nous confronte à la première immigration de masse non chrétienne. Rien n’a été prévu pour faire place à l’expression de la deuxième religion de France. La loi de 1905 se trouve interrogée par un problème qu’elle ne pouvait pas imaginer. Face à une religion qui s’invite dans l’espace public (voile intégral, cantine scolaire, abattage rituel) on est tenté de légiférer sur ce qui n’a rien à voir avec la laïcité mais avec la loi et le respect de l’autre. Ne va-t-on pas ainsi à l’encontre de traditions culturelles ? Ce petit livre d’entretiens clairs et vivants (menés par Olivier Bobineau et Bernadette Sauvaget) nous appelle à réfléchir sur le vivre ensemble dans le respect des pratiques de l’autre et sur la fragile frontière entre espace public et sphère privée. Le débat est loin d’être clos. L’État, garant de la tranquillité publique, doit être vigilant, car la laïcité procède à la fois du religieux et du politique.