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Grand Paris. L’émergence d’une métropole

Frédéric Gilli Presses de Sciences Po, 2014, 316 p., 15 €

La « réinvention de Paris », depuis le début des années 2000, permet-elle d’identifier l’apparition d’un nouveau modèle métropolitain ? Frédéric Gilli tente de démontrer que l’émergence de la métropole parisienne révèle le rôle central des élus et des citoyens dans la « construction de la vie de tous », à la différence de configurations urbaines dominées par le marché ou par des groupes d’intérêt. Pour répondre à cette problématique du changement sous l’angle de la métropolisation, l’auteur propose d’analyser les trois enjeux majeurs auxquels fait face la région parisienne : ceux du développement économique et social, ceux de l’aménagement et ceux de la transformation des rapports de force politique.

La première partie, « Le Grand Paris, une métropole rayonnante ? », est consacrée aux enjeux économiques et sociaux auxquels la région parisienne fait face depuis la fin des années 1990. Les constats souvent alarmistes des acteurs sur la situation économique traduisent la peur d’un décrochage de la région. Permettre à la métropole parisienne de se développer pour assurer son rôle de locomotive de la France et sa place dans le monde devient un enjeu majeur de l’action métropolitaine. La deuxième partie, « La privatisation de la métropole », se penche sur la question de l’aménagement opérationnel dans la décennie 2000. Elle met en lumière les mutations de l’aménagement de l’Île-de-France (ses acteurs, ses projets). Avec la révision de son schéma directeur en 2005, la Région Île-de-France initie un cycle important de redéfinition des objectifs de l’aménagement sur son territoire. En 2008, la création d’un secrétariat d’État au développement de la région capitale bouleverse ce processus, en replaçant l’État au centre du jeu. Surtout, le projet du réseau de transport du Grand Paris Express, reliant les pôles économiques majeurs de la métropole, conduit à une réorganisation du système. La troisième partie, enfin, s’attarde sur ce qui constitue, pour l’auteur, l’enjeu principal de la métropolisation parisienne, à savoir l’enjeu démocratique. À partir d’un système politique bloqué, en 2001, l’auteur souligne la lente construction, par les acteurs locaux, d’une métropole politique tout au long de la décennie.

Le livre dresse ainsi un tableau précis de la situation de l’Île-de-France depuis 2000, en mettant en lumière les changements opérés depuis dix ans. L’auteur réussit à clarifier des évolutions complexes en croisant une approche thématique et un éclairage chronologique (chaque partie est découpée en séquences temporelles qui permettent une vision dynamique des enjeux). Cet ouvrage donnera au lecteur curieux de la situation parisienne des clés de lecture à propos des débats actuels sur les projets métropolitains et la réforme institutionnelle (création d’intercommunalités, Métropole du Grand Paris au 1er janvier 2016). Mais on peut regretter un cadrage théorique un peu léger. La notion de métropole, au cœur des propos, n’est ainsi jamais définie. L’ambiguïté du terme affaiblit la force de l’argumentation. Et, surtout, l’hypothèse principale de l’ouvrage : l’émergence d’un modèle métropolitain spécifique à Paris autour du rôle central du politique – une hypothèse forte et convaincante – aurait mérité une démonstration plus ferme. Quant à la place des citoyens dans ce modèle métropolitain, mise en avant dans l’ouvrage, elle nécessiterait une étude empirique argumentée : comment les citoyens doivent-ils participer à la construction métropolitaine (et laquelle ?) ? Et dans quelle mesure ? Autant de questions qui restent en suspens.

Jeanne Chauvel
10 décembre 2014
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