Sous ce titre qui allie la foi et l’intelligence, Paul Valadier s’entretient avec Marc Leboucher. Revenant sur quarante ans de publication, il parcourt ainsi l’actualité intellectuelle, politique, ecclésiologique. Cet ouvrage constitue une excellente introduction à l’œuvre d’un jésuite  français soucieux de comprendre la modernité et d’en dénoncer les insuffisances. Il est connu  pour ses travaux sur Nietzsche, commencés par sa thèse de philosophie : Nietzsche et la critique du christianisme, qui restera l’un des meilleurs livres pour comprendre la nature de l’athéisme de cet auteur et sa dénonciation du nihilisme qui envahit notre temps. P. Valadier a publié en 1987 L’Église en procès, un ouvrage qui a aidé de nombreux catholiques à comprendre les problèmes de leur Église confrontée à une société sécularisée, mais gardant le droit de poser des questions à une modernité trop sûre d’elle-même. II offre ici une analyse critique de la politique française contemporaine (dont la loi sur le « mariage » homosexuel, ou la forme du laïcisme prôné par Vincent Peillon…). On s’étonne alors qu’il manifeste autant de réserves à propos de la notion de loi naturelle. Il fait allusion à Thomas d’Aquin, pour lequel en  mettant en œuvre la loi naturelle l’homme est à lui-même sa propre Providence. Pourtant Valadier ne s’en réclame pas, affaiblissant ainsi à notre avis sa critique des dérives politiques contemporaines en matière d’éthique sexuelle et biologique. Dans le cadre de la sécularisation assumée comme telle, la seule rationalité qui porte est celle qui assume l’idée qu’il existe une essence ou nature de l’homme, non réductible à la physiologie mais en en tenant compte. La critique adressée à Leo Strauss est la confirmation de cette troisième voie dans laquelle se tient l’auteur : refus du relativisme, mais également refus d’une morale fondée sur la loi naturelle. Est-ce possible ? Ce débat est décisif pour la rationalité en christianisme, alors même qu’un auteur comme Habermas parle explicitement de la « nature humaine ».