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De quoi fut fait l’empire, les guerres coloniales au XIXe siècle

Jacques Frémeaux CNRS éditions, 2014 [2010], 588 p., 12 €

L’histoire des empires coloniaux au XIXe siècle est celle d’une immense expansion qui couvre tous les continents : Français en Afrique, Anglais en Inde, Russes en Asie centrale, Américains à la conquête de l’Ouest. Des conquêtes jugées nécessaires par les grandes puissances pour renforcer leur pouvoir et leurs intérêts, poussées par des lobbies associant militaires et hommes d’affaires. Il faut conquérir, contrôler et pacifier ces territoires peuplés de « barbares » et leur apporter la civilisation. Cette expansion, distante de plusieurs milliers de kilomètres des métropoles, sera facilitée par des progrès majeurs dans les transports (construction de milliers de voies ferrées), dans les communications (télégraphe puis téléphone), dans la connaissance de la géographie et de la topographie (création d’un bureau topographique à Hanoï en 1907), sans oublier le domaine du renseignement, pour lequel les explorateurs, missionnaires et commerçants, ont ouvert la voie. Si l’opinion publique est restée assez indifférente aux exploits de la « coloniale », la presse, relayée par l’imagerie populaire, magnifie ces expéditions. De grands noms émergent (Joffre, Kitchener, Lyautey, Gallieni…) qui s’illustreront au cours de la Première Guerre mondiale. Si la conception des États dans leur volonté de pacification diffère, le contexte et les techniques militaires sont similaires. Les troupes coloniales doivent affronter des armées locales (Zoulous, Amazones du Dahomey…) aux pratiques souvent cruelles. Aussi recourt-on aux troupes indigènes. Considérées comme loyales et endurantes, recrutées sur place, vivant en famille, devant s’équiper elles-mêmes, limitées au grade de sous-officier, ces recrues représentent quelquefois les deux tiers des corps, à côté des soldats de la métropole, engagés volontaires, attirés par une solde confortable et un retour auréolé de gloire. Ces troupes indigènes sont à la fois une économie pour les gouvernements et une source de stabilité dans le pays. Tirailleurs sénégalais ou spahis s’illustreront sur d’autres terrains dès 1914. Des avancées techniques soutiennent ces conquêtes, dans l’armement (le Chassepot ou fusil modèle 1866, le canon de 75) et la logistique (les conserves et les produits déshydratés permettent de nourrir des milliers d’hommes partis au loin.) Après la conquête, la pacification : à côté des méthodes brutales d’un Bugeaud en Algérie ou des Américains face aux Indiens, l’Angleterre choisit en Inde la création d’une administration locale sous direction britannique. Ce livre, qui offre un état des lieux passionnant sur ce qui fut une des grandes spécificités du XIXe siècle, la guerre coloniale, soulève finalement deux questions : la guerre serait-elle un instrument de prospérité pour les États ? Cette division du monde entre vainqueurs et perdants ne devait-elle pas inéluctablement aboutir, cinquante ans plus tard, à la décolonisation ?

Annie da Lage
5 juin 2014
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