La violence dont il est question ici est celle qui « permet la distribution des dividendes en même temps que le licenciement de ceux qui les ont produits », celle qui sévit dans la vallée de la Meuse en crise sur laquelle s’ouvre le premier chapitre du livre : « Patrons spéculateurs et salariés jetables ». De même que la richesse ne saurait se réduire à sa dimension matérielle, cette violence est multidimensionnelle. Les deux sociologues s’emploient à l’objectiver dans différents domaines (du droit à la politique de la ville), voire à renverser les stigmates dont les pauvres seraient affublés (fraudeurs, paresseux, surprotégés…) comme dans le chapitre consacré à « la délinquance des riches ». Insistant en particulier sur la violence symbolique, ils n’ont de cesse de décrypter les discours ambiants et pointent « toutes les injustices qui accompagnent ce jeu floué où les héritages ont plus d’efficacité que les efforts et le mérite ». Critiquant vertement différentes actions – ou inactions – du gouvernement de François Hollande (notamment TSCG européen et « pacte budgétaire », « taxe à 75% », accords de « sécurisation de l’emploi »), les sociologues sont aussi attentifs à retracer les parcours des élites politiques et financières, montrant les liens qui les unissent et la perméabilité entre « oligarchies » de droite et de gauche. Ce livre sans concession accentue les contrastes sociaux jusqu’à scinder la société française – où les rapports sociaux seraient « toujours des rapports de domination » – en deux camps adverses. Les riches, conscients de leurs intérêts communs, sont en passe de gagner la « guerre de classes » face aux autres, cantonnés à un individualisme et une servitude involontaire sidérants.