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Politique de l’esprit. Auguste Comte et la naissance de la science sociale

Bruno Karsenti Hermann, 2006, 220 p., 22 €

Voici une puissante restauration, osé-je dire, de l’entreprise comtienne, longtemps déconsidérée. Elle apparaît comme l’entreprise de la sociologie même, mais de la sociologie entendue comme la genèse ou le développement de « l’esprit », qui se tisse entre les personnes formant l’humanité. La sociologie remplaçant en somme les philosophies politiques héritées – théories d’un pouvoir hors de la société même (plutôt d’un pouvoir sur elle). La sociologie est alors le moyen par lequel la dite société, la société révolutionnaire, à la différence de celles du passé, vient au gouvernement d’elle-même – au lieu d’être gouvernée de l’extérieur comme dans les systèmes anciens. On n’a pas voulu entendre Comte, ne voulant entendre parler que de science sans normativité – sans vérité totale non plus. Curieusement, en ce sens, le positivisme auquel on a adhéré est le contraire du positivisme que constituait Comte… B. Karsenti n’hésite même pas à revaloriser l’idée de Religion impliquée par la sociologie comtienne. Pour Comte, « on doit contraindre la modernité à affronter ce qu’elle récuse avec le plus de force : la formation d’une dogmatique qui, quand bien même elle n’admet plus de référence à Dieu, fonctionne encore sur le mode d’un discours de vérité que la société s’efforce de tenir sur elle-même ». « ‘Science sociale’ veut dire d’abord cela »… Je ne puis qu’évoquer ainsi l’intention qu’a Karsenti de faire redécouvrir le projet de Comte jamais accueilli, et laisser le lecteur à sa découverte dans cette nouvelle fraîcheur. Et au jugement qu’il pourra formuler. J’ajoute que je crains, au premier abord, que le discours de vérité, dont je ne nie aucunement le besoin, s’il peut se retrouver dans le dialogue (la communication, dirait Habermas), ne se retrouve guère au contraire dans la science sociale ou la sociologie positive courante, trop incomplète bien entendu… J’en reviens du coup à la grande ambiguïté du terme « positif », en tout cas « positivisme », qu’a induite Comte lui-même.

Jean-Yves Calvez
6 juin 2012
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