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L'empire sans milieu. Essai sur la « sortie de la religion » en Chine

Benoît Vermander DDB, 2010, 214 p., 19 €

Politologue et homme de terrain, Benoît Vermander poursuit son enquête sur l’effervescence religieuse chinoise. Ni le retour aux temples traditionnels ou au bouddhisme, ni le succès de certains groupes protestants ne doivent faire oublier que, en Chine comme ailleurs, la religion « ne fonde plus le lien social ». Ici aussi, on semble assister aux deux processus décrits par Marcel Gauchet à propos des sociétés post-chrétiennes : « à une sortie de la religion entendue comme sortie de la capacité du religieux à structurer la politique et la société, et à une permanence du religieux dans l’ordre de la conviction ultime des individus ». À la différence de l’Occident, où c’est le christianisme qui a conduit à la sortie de la religion, en Chine le confucianisme s’est imposé comme non-religion, tout en affirmant un « fondement quasi sacral du lien social ». Dans l’espace-temps chinois, la religion est « un champ de forces » se maintenant dans un équilibre toujours instable : quête de l’harmonie et son « double faustien », sagesse et aussi révélation, récit mythique et son contrôle rituel, régime sacrificiel et régime de l’écrit. Au lieu d’interaction « des communautés de l’État et des individus », le religieux contribue à refonder et modeler des expressions sociales pour se dégager du contrôle. L’expression du bouddhisme et du protestantisme (évangélique surtout) suggère que ces religions pourraient contribuer au discours culturel chinois sur un registre bien nécessaire d’universalité. Il y a aussi un courant contestataire tout au long de l’histoire : le chamanisme. Il se retrouve dans les médiums partout présents, mais aussi dans l’évangélisme chinois et dans les courants de protestation qui s’inventent des communautés virtuelles globales sur internet. Parlant ici de « communauté chamanique globale », Benoît Vermander s’interroge : « Dieu se révèle-t-il par l’internet (pas seulement en Chine)? Comment ne le ferait-il pas maintenant que le virtuel a envahi notre conscience de la réalité? » Bref, un argumentaire très stimulant malgré son côté parfois quelque peu décousu. La Chine est un exemple de ce qui se passe ailleurs : les religions se réinventent des pratiques et des discours, bricolant des repères de sens pour échapper au désenchantement de la société moderne.

Michel Masson
21 juin 2011
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