Cette réédition augmentée d’une substantielle introduction fournit une bonne occasion de découvrir un économiste atypique qui assume avec brio l’humanisme économique hérité de François Perroux. En temps de crise, la critique du capitalisme libéral et de l’idéologie qui le sous-tend n’a certes rien d’original. Ce qui l’est davantage, c’est la relecture de l’histoire de la pensée économique proposée à travers le prisme du traitement des questions éthiques, et les arguments pour réintroduire celles-ci comme une composante nécessaire de la réflexion. L’introduction comporte des développements fort bien venus, montrant à quel point les enjeux de répartition et de justice sociale sont inextricablement liés à toutes les grandes questions économiques. Ce faisant, l’auteur attaque de front une ambition fondatrice de la science économique, à savoir le projet d’une théorie positiviste de la valeur. Pour Jean-Paul Maréchal, le néo-libéralisme n’est en effet que l’aboutissement d’un long processus d’émancipation d’un savoir économique en quête de scientificité et porté à « naturaliser » le marché. L’économie a trouvé dans l’idée d’équilibre des marchés le « point focal » autour duquel elle n’a cessé de graviter. Or ce mode de pensée centré sur la cohérence interne du système économique fait passer au second plan ses relations avec les systèmes plus vastes dont il n’est qu’une partie. Maréchal montre l’urgence de replacer l’analyse des faits économiques dans une perspective humaniste, en recentrant notre vision sur la riche diversité des ressorts de l’agir humain. La problématique du développement durable, l’ouverture à la biosphère et aux générations futures, trouve ici naturellement sa place. La veine utopique n’est certes pas absente de cet ouvrage, mais elle n’y fait jamais obstacle à la clarté de la pensée.
6 juin 2009