Historien, sociologue, politiste ou tout simplement curieux, on tirera plusieurs bénéfices de la lecture de cet ouvrage. Ce travail rigoureux d’historien, nourri pour bonne part d’archives inédites, vaut déjà pour son projet monographique sur un des principaux titres de la presse française qui, malgré une histoire longue, n’avait jusqu’à présent pas donné lieu à des recherches systématiques. Des premières feuilles littéraires au destin chaotique et à la périodicité aléatoire sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, à la reprise puis la transformation en quotidien par Hyppolite de Villemessant, au nom duquel le succès du titre reste attaché ; de son instrumentation au profit d’un projet politique antiparlementariste et antisémite par le parfumeur Coty, son propriétaire entre 1922 et 1933, à la reconquête de son magistère moral et politique sous la houlette de Pierre Brisson; du rachat par Robert Hersant, au dernier en date par Serge Dassault, c’est tout autant son histoire mouvementée que la relative homogénéité d’un axe culturel incarnant « le conservatisme de la bourgeoisie française » que présente le livre sans céder aux illusions des analyses héroïques ni aux interprétations téléologiques qui gomment les hésitations et la part de relative indétermination d’une histoire en train de se faire. Au-delà de sa seule érudition, en prenant toujours le soin de replacer le Figaro dans une histoire médiatique d’ensemble, il vaut aussi pour ses qualités d’analyse des évolutions de la presse française sur près de deux cents ans : les formes et conditions de ses innovations, ses contraintes économiques, ses rôles politiques.