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L’apartheid scolaire, enquête sur la ségrégation ethnique dans les collèges

Georges Felouziz, Françoise Liot et Joëlle Perroton Seuil, 2005, 236 p., 19 €

Voici un ouvrage important. Le travail des trois sociologues bordelais s’attache à prouver l’existence, dans les collèges de notre pays – ou plutôt entre les eux –, d’une ségrégation spécifiquement ethnique, qui ne serait pas un simple artefact, calque de ségrégations sociales par ailleurs bien réelles. L’hypothèse de la ségrégation ethnique est dans un premier temps établie sur la base d’une analyse des prénoms des élèves : celle-ci permet de mesurer la proportion d’élèves autochtones et allochtones dans les différents collèges de l’Académie de Bordeaux, où l’enquête a été réalisée. Ainsi, 10 % des collèges de l’Académie scolarisent 40 % des élèves du Maghreb, d’Afrique noire et de Turquie (alors que ceux-ci représentent moins de 5 % des élèves de l’Académie). Dans ces collèges, 53 % des élèves viennent de milieux défavorisés. Les auteurs montrent comment la concentration au sein de mêmes collèges d’une proportion très forte d’élèves allochtones (et en particulier des trois aires géographiques mentionnées plus haut) engendre un cumul de handicaps et d’inégalités pour tous ceux qui y sont scolarisés, en particulier en matière d’acquisitions scolaires et d’orientations en fin de troisième. L’hypothèse ainsi explicitée permet aux auteurs de dérouler une analyse particulièrement tranchante de la « question scolaire » française : « ethnicisation » des identités selon diverses modalités, mise en place de logiques de ghettos (population « attendue » dans tel ou tel collège), stratégies familiales de fuite dans le privé comme dans le public, loin des « mauvais collèges », « sévérité variable » d’une administration prise dans les contradictions d’une gestion par dérogations, bricolages de chefs d’établissements eux aussi stratèges, complexité des logiques politiques locales. Les partis pris ne sont pas absents du propos, mais cela n’empêche en rien les auteurs d’expliciter et d’étayer leurs choix méthodologiques. On appréciera cette pratique d’une sociologie à la fois rigoureuse dans la construction de son objet et engagée dans le traitement qu’elle fait de ses résultats. Sans oublier de souligner l’accessibilité de l’ouvrage pour un large public. Là n’est pas le moindre de ses mérites.

Anne Furst
14 juin 2006
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