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Les trous noirs de la science économique. Essai sur l’impossibilité de penser le temps et l’argent

Jacques Sapir

Le spécialiste reconnu de l’économie russe se lance ici dans un essai aux confins de l’épistémologie économique, de la sociologie de la connaissance, et de l’idéologie politique. Il prend pour cible la Théorie de l’équilibre général qui, depuis plus d’un siècle, sert de paradigme à une science économique qui se veut autonome, dégagée des contingences non seulement morales, mais également institutionnelles et politiques. Jacques Sapir n’a pas de mal à montrer que cette prétention des économistes scientifiques n’est pas tenable ; et qu’il convient de revenir à l’économie politique. Tout cela, François Perroux, en termes plus rigoureux, l’avait déjà montré, lui qui a élaboré patiemment une théorie de l’équilibre généralisé qui intégrait l’échange marchand dans la contrainte et dans le don. L’originalité de Sapir est d’introduire la monnaie comme institution, avec ce qu’elle suppose de règles et d’organisation, et non pas seulement comme instrument utile pour les échanges. Malheureusement, sa théorie « réaliste » de la monnaie se prend au piège de la philosophie du même nom. Il ne suffit pas de se gausser des économistes qui ignorent l’argent, ses fantasmes et ses maîtres, pour rendre compte adéquatement de ce qui est au cœur de l’insécurité économique contemporaine : l’intérêt et sa valeur conventionnelle, comme disait Keynes. L’ouvrage aurait gagné à être écrit plus paisiblement ; cela aurait évité les poncifs affligeants dans le genre de celui que le lecteur découvre p. 276 : « L’utilité d’une décision n’existe jamais en soi. » Voici déjà un siècle, Pareto, dans son Traité de sociologie générale, en avait déroulé les principales conséquences. Quant à prétendre que « C’est Hayek lui même qui souligne que toute action peut avoir des effets non intentionnels sur autrui » (p. 273) voilà au mieux un argument d’autorité bien surprenant (qu’a-t-on besoin de Hayek pour souligner cette banalité !). Au pire c’est une erreur historique s’il s’agit, comme le contexte l’insinue, de l’élaboration des institutions « fruit de l’action des hommes mais non pas de leur vouloir » comme le dit effectivement Hayek, mais en citant Fergusson.

Yann Galenna
4 juillet 2001
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