La pandémie de Covid-19 a révélé au grand jour la fragilité de nos sociétés modernes, construites sur une acception particulière de l’individu. Le terme « individualisme » est ambigu. Il désigne d’abord une attitude, un comportement qui relève de la morale, et caractérise le comportement d’un individu qui entend manifester une indépendance, une tendance à ne penser qu’à soi. Mais, en philosophie politique, il désigne également « une doctrine selon laquelle l’individu précède la société1 ».

Au-delà cette ambiguïté, il demeure important, pour nous Occidentaux, de connaître les convictions et les représentations mentales qui ont structuré l’individualisme en tant que philosophie politique. Deux grands courants se distinguent : la pensée d’un individualisme dit « atomiste », et d’un individualisme « de relation ».

Ne sous-estimons pas la puissance de ces visions de l’homme. Elles ont imprégné et accompagné la naissance du néolibéralisme, au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Cette naissance a été marquée par un colloque demeuré célèbre. En 1938, à Paris, une vingtaine d’économistes se réunissent autour de l’œuvre du diplomate, journaliste et essayiste américain Walter Lippmann (1889-1974) pour discuter de la capacité du libéralisme à faire face aux problèmes de l’époque. Mais la pensée de Lippmann et des néolibéraux a été fortement critiquée par un des plus grands penseurs américains du XXe siècle : le philosophe pragmatiste John Dewey (1859-1952).

Duel de pensée

Après la crise économique des années 1930, ces deux grands penseurs, John Dewey et Walter Lippmann, ont donc eu l’ambition de reconstruire le libéralisme sur des bases nouvelles. Mais chacun l’a fait à partir d’une représentation