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L’extraordinaire beauté de la nature interroge d’autant plus qu’elle semble radicalement gratuite. Le philosophe, photographe et odonatologue Alain Cugno nous livre les morceaux choisis d’une fascination philosophique pour les libellules.
Les libellules, en tant qu’insectes, ont payé un très lourd tribut à notre mode de vie. Passant la majeure partie de leur vie à l’état larvaire dans les eaux douces, elles se trouvent menacées par la diminution dramatique des marais, mares et tourbières. Mais voilà, curieusement, les odonates, communément appelés libellules, sont moins affaiblis que beaucoup d’autres insectes. Ce que nous donnent à voir les libellules n’est pas en premier lieu notre mise en accusation. Elles nous interpellent d’une tout autre façon par leur beauté et leur gratuité.
De même qu’il existe un peuple des musiciens, des mathématiciens, des joueurs d’échecs ou des peintres, il existe une confrérie de naturalistes. Ils se caractérisent d’abord par leur passion, non pas pour la nature en général, mais pour une classe, un ordre, voire une famille en particulier. Un naturaliste est, la plupart du temps et d’une façon essentielle, un spécialiste.
Lorsque vous êtes l’un d’entre eux, vous rencontrez chez vos contemporains deux sortes d’incompréhensions cumulées. D’abord, on vous félicite pour votre patience. Votre interlocuteur s’imagine à votre place, essaie de se représenter lui-même contraint de trouver, dissimulée dans la végétation, une minuscule brindille ailée.
Vous choisissez votre sorte d’animal préférée par le même mouvement qui vous fait tomber amoureux : une adhésion totale à un style.
Une fois pardonnée cette manie venue manifestement de votre enfance, il croit comprendre ce que vous faites comme une célébration de la beauté des êtres naturels, dont il pense – et c’est là qu’il se trompe –, qu’on peut l’atteindre autrement que par
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