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De la logistique aux soins, les emplois de service ont une utilité sociale plus que jamais soulignée par la crise sanitaire. Ils n’en demeurent pas moins dévalorisés et sous-payés car réputés peu productifs.
La crise du Covid-19 a rendu visibles ces travailleurs, et surtout ces travailleuses, que l’on nomme « travailleurs essentiels » ou « premiers de corvée » par opposition aux « premiers de cordée » chers à Emmanuel Macron1. Nombre de ces emplois sont mal rémunérés, présentent des conditions de travail atypiques et précaires, et sont souvent moins bien couverts en termes de protection sociale. Du fait de la polarisation du marché du travail2, ces emplois se sont multipliés au cours des trente dernières années. Comment expliquer leur aussi faible rémunération, compte tenu de leur utilité sociale ?
Des analyses rétrospectives de l’évolution des emplois depuis le début des années 1990 révèlent qu’aux États-Unis comme en Europe, les créations d’emploi se sont concentrées aux deux extrémités du spectre des salaires : d’un côté, les « lovely jobs » (Goos et Manning, cf. « Pour aller + loin », ci-dessous), accessibles aux personnes les plus diplômées ; de l’autre, les emplois du secteur des services tels que le commerce de détail, la logistique, la restauration, la construction, les livraisons, les soins (ou care), perçus comme des « lousy jobs ».
Il convient ici d’insister sur la difficulté de mesurer la productivité des services avec les instruments économiques de gestion ou de comptabilité existants.
Nombre de théories de la polarisation du marché du travail considèrent que ces emplois, créés au bas de l’échelle des salaires, ne peuvent être que mauvais, car pas (ou peu) productifs et occupés par des personnes peu qualifiées. C’est ce que Sylvain Catherine, Augustin Landier et David Thesmar écrivent dans leur étude Marché du travail : la grande fracture (Ins
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