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I-buycott, une histoire de valeurs Contre-pouvoirs

© I-buycott
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Politiser la consommation en appelant au boycott de certains produits : l’association I-buycott s’appuie sur le collectif pour condamner certaines pratiques et appeler au changement. En gardant en tête les limites d’une telle pratique…


Cesser la consommation d’un produit pour promouvoir une cause extrinsèque aux qualités de ce produit : le boycott vise à combler les écueils des formes de mobilisation politique traditionnelles que des mouvements de protestation récents (comme les Gilets jaunes ou les actions pour le climat) ont mis en exergue. Le boycott offre une forme active de participation, d’action directe, une alternative permettant de sortir du rôle passif dans lequel sont enfermés les individus par un vote tous les cinq ans.

Un rapide coup d’œil en arrière montre que la pratique n’a rien de nouveau. On pense au boycott du sucre en provenance des colonies au XVIIIe siècle (en lien avec le mouvement abolitionniste) ou à l’une des premières campagnes de boycott de l’ère moderne contre Nestlé et la distribution de son lait infantile dans les pays en développement, dans les années 1970.

La résurgence récente du boycott en France, où la pratique est historiquement peu implantée, rappelle que la consommation moderne n’est en rien naturelle, mais qu’elle est le produit d’une politique culturelle visant à construire des individus consommateurs, aliénés par l’omniprésence des messages publicitaires d’une société de consommation. Jean Baudrillard, Herbert Marcuse… La critique est ancienne.

Aujourd’hui, de plus en plus d’organisations (associations, ONG, syndicats, partis politiques) appellent au boycott de produits. L’association I-buycott vise à accompagner les individus dans leur démarche d’appel au boycott de produits de certaines entreprises, en encadrant la formulation des griefs pour respecter les consignes légales (diffamation et discrimination proscrites), tout en donnant la possibilité aux entreprises de venir répondre sur le site Internet. Un vote des internautes, sur la base de ces réponses, permet de décider ou non du prolongement de la campagne d’appel au boycott. En parallèle, les internautes peuvent proposer et voter pour des produits alternatifs élaborés par des entreprises respectant certains principes.

Si des succès suite à des campagnes de boycott laissent espérer des résultats prometteurs, quelques limites et paradoxes subsistent.

Ces organisations tentent de politiser l’acte de consommation. Au travers des pratiques de consommation, il serait ainsi possible de favoriser l’émergence de pratiques plus responsables chez les entreprises. Si des succès laissent espérer des résultats prometteurs, quelques limites et paradoxes subsistent. Les valeurs qui poussent au boycott sont nombreuses : dignité du travail, écologie, justice fiscale… Ces valeurs, en compétition les unes avec les autres et défendues par des ONG sur un marché de la vertu, poussent parfois à la surexploitation des affects. Des biais cognitifs que l’industrie du marketing utilise déjà à grande échelle pour influencer les consommateurs, induisant des conflits entre valeurs et créant des injonctions paradoxales : un jean à 15 euros ne peut être bio et équitable. En résulte une dissonance cognitive, dont la réduction passe le plus souvent par une hypocrisie organisationnelle, au moyen par exemple de labels de certification. Des labels qui, eux non plus, n’ont rien de nouveau : les syndicats ouvriers américains cherchaient déjà, au début du XXe siècle, à orienter les pratiques d’achat en décernant un label aux produits fabriqués dans des usines respectant des conditions de travail.

Le coût de la certification, qui nourrit une industrie hautement profitable, détourne des ressources qui pourraient financer les causes. Il profite à une bureaucratie néolibérale qui, en temps de crise, sert de bouc émissaire, empêchant toute remise en cause d’ampleur systémique, politique ou économique. Entreprises et pouvoirs publics veillent d’ailleurs à encadrer étroitement ces pratiques de boycott afin d’éviter les réformes plus profondes : le droit à l’information des consommateurs par le biais de l’étiquetage est, par exemple, l’objet d’âpres combats juridiques (dans le cas des OGM notamment). Par ailleurs, les tactiques et stratégies mobilisées par les grands groupes pour réduire au silence les mouvements protestataires sont, à l’origine, directement inspirées des tactiques militaires de lutte anti-insurrectionnelle souples, mixant stigmatisation des opposants les plus déterminés avec un appel au dialogue vers les plus modérés par le biais d’opérations de relations publiques, de type RSE.

Finalement, le boycott renvoie au paradoxe de Condorcet, rappelant qu’il est impossible de hiérarchiser des préférences individuelles au niveau collectif. Quel processus de prise de décision privilégier pour le boycott, afin d’éviter la tyrannie de l’individualisme, rouille des démocraties pour Tocqueville ? Dissocié d’une réflexion à portée politique plus globale, le risque serait que le boycott enferme les individus dans le rôle limité du consommateur, confinant de fait le politique à un repli individualiste. Sauf à s’assurer que le boycott vienne renforcer des mouvements collectifs de protestation plus larges (syndicaux, politiques…) et plus profonds, jusqu’à une remise en cause systémique.

En savoir +

L’association I-buycott
« Chaque fois que vous dépensez de l’argent, vous votez pour le type de monde que vous voulez. » I-boycott.org est une plateforme citoyenne participative, proposée par l’association I-buycott, qui crée des campagnes de boycott. Lorsqu’un nombre conséquent de consommateurs a rejoint une campagne, l’entreprise ciblée est notifiée. Le but est d’entamer un dialogue
et de déclencher un changement de pratiques.
Autre objectif : sensibiliser un maximum de consommateurs en leur proposant une alternative aux produits boycottés. C’est une porte d’entrée vers une consommation éthique : le « buycott », grâce à la plateforme i-buycott.org.

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