Pratiques de la décision. Développer ses capacités de discernement
Bernard Bougon et Laurent Falque Dunod, 2005, 216 p., 24 €Pratique, nourri d’exemples réels, cet ouvrage rendra de grands services à tous ceux qui s’affrontent aux situations complexes. La multiplicité des logiques, qui se croisent dans toute situation managériale, impose en préalable à toute décision le choix de critères qui hiérarchisent les rationalités (techniques, financières, politiques, sociologiques, culturelles, sans parler des motivations plus ou moins conscientes). Laurent Falque épingle dans une première partie les pièges de la décision qui veut rationnellement mettre en relation objectifs et moyens. Les outils classiques (arbres de décision, tables de pondération…) apparaissent alors non pas comme l’expert qui peut décharger le gestionnaire de sa responsabilité propre, mais comme ce qu’ils sont : une possibilité de rationaliser le choix. Le jeune Jean-Paul Sartre ne s’étonnait-il pas, dans La Nausée, de ce que l’on peut mentir en mettant la raison de son côté ! Le choix des critères qui informent la rationalité, c’est le discernement. Bernard Bougon en développe la pratique dans la seconde partie. Le discernement convoque la finalité, c’est-à-dire ce qui fait sens pour le décideur singulier incrusté dans sa situation professionnelle particulière. Le problème – et c’est le grand mérite de Bernard Bougon de l’avoir souligné – est d’articuler dans une même équipe de travail les finalités diverses des multiples partie-prenantes. Sans utiliser ce vocabulaire, Bernard Bougon met le doigt sur la contradiction entre le coaching qui vise à mettre au jour les motivations réelles du décideur, et le team-building qui cherche à coordonner dans un projet commun les diverses subjectivités des uns et des autres. Dans ce « jeu» de la raison instrumentale au service de finalités souvent divergentes, le manager retrouve, avec le risque de la décision, une dignité que lui font perdre les manuels trop inspirés du positivisme comportemental.
14 juin 2006