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Les mésaventures de la critique

Franck Poupeau Raisons d’agir, 2012, 167 p., 8,10 €

« Plus la sociologie est scientifique, plus elle est potentiellement politique. » Cette conviction est remarquablement étayée par le sociologue Franck Poupeau, qui rassemble ici en les articulant quelques articles et interventions d’une dizaine d’années de recherches sur des terrains variés (en région parisienne et Bolivie). Il analyse la critique sociale portée par la gauche de la gauche, en France comme à l’étranger, qui échoue à former un mouvement politique durable et populaire. Pour l’auteur, contrairement à ce qui est présupposé chez les critiques de gauche, « la parole des dominés n’exprime pas seule la vérité de la domination ». La capacité d’auto-organisation n’est pas innée mais repose sur des processus de construction collective. D’où l’intérêt d’une sociologie qui permettrait d’appuyer des projets d’émancipation sur des bases solides. Une sociologie de la domination en particulier – loin des clichés à laquelle elle est souvent réduite – donnerait à comprendre le problème crucial du consentement des dominés à leur domination. À ce titre la critique de Franck Poupeau, forte et nuancée, porte également sur une certaine sociologie universitaire, désignée comme « sociologie d’État », qui, survalorisant les acteurs et leurs capacités, conduirait finalement à « souligner leur responsabilité propre face à leur destin social, au détriment (…) des mécanismes de reproduction sociale perpétués par l’État » (p. 105). L’étude du traitement médiatique et sociologique des « émeutes urbaines » de novembre 2005 en France en constitue un bon exemple. Au-delà, ce livre est une claire affirmation des fondements scientifiques (opposés au scientisme ou à une volonté d’accaparement du savoir) et empiriques du métier de sociologue.

Jean Vettraino
16 octobre 2012
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