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Faut-il sauver le libéralisme ?

Monique Canto-Sperber et Nicolas Tenzer Grasset, Nouveau Collège de Philosophie, 2006, 170 p., 12 €

Faut-il sauver le libéralisme ? Oui, mais pas n’importe lequel. En 1938, au congrès Walter Lippmann, à Paris, la majorité des congressistes, à la suite de R. Aron et J. Rueff, penchait pour ce qu’on appelait le « néo-libéralisme » (sic), qui désignait un libéralisme social appuyé sur une régulation étatique forte. La minorité de l’époque, à la suite notamment de Friedrich Hayek, penchait à l’inverse pour un libéralisme économique manchestérien, dégagé de la tutelle de l’Etat, et qu’ils confondaient peut-être avec le libéralisme originaire. Cette minorité, devenue majorité en 1949, est à l’origine du libéralisme radical, que l’on désigne aujourd’hui en France aussi par néolibéralisme, ou ultralibéralisme. Monique Canto-Sperber et N. Tenzer, chacun avec ses coefficients propres, se coulent dans le courant Aron-Rueff. Pour eux, la liberté individuelle est une valeur première, alors que le républicanisme et le socialisme, rongés par le jacobinisme, ont perdu le goût de la liberté individuelle – même s’ils font illusion par des positions morales d’un grand libéralisme. Les deux auteurs dénoncent avec intelligence le poncif intenable qui distingue le bon libéralisme politique du mauvais libéralisme économique. Ils semblent conscients des effets délétères de l’élargissement des échanges économiques, dont le corollaire est l’anonymat des relations et l’individualisme d’isolement et de peur. Certes, ils restent peu diserts sur les moyens de surmonter les contradictions entre liberté et égalité. Nicolas Tenzer ouvre peut-être une voie par sa critique pertinente de la rente (revenus coupés de tout apport productif), car la rente mine la responsabilité individuelle. Sur la voie ainsi ouverte, celle de la communauté de risque, on rencontrerait une conception novatrice de la solidarité. La solidarité comme communauté de risque permet en effet de distinguer l’intérêt général, géré par la puissance publique, du bien commun où chaque citoyen se trouve engagé. En pratique, cette distinction oriente la politique sociale vers les plus exposés au changement économique. Ce qui rejoint le souci libéral des auteurs d’offrir à chacun une réelle occasion de se réaliser dans une société libre.

Étienne Perrot
6 juin 2012
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