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Ethique et ordre économique. Une entreprise de séduction

Anne Salmon CNRS éditions, coll. Sociologie, 2002, 204 p., 19 €

La prolifération des discours éthiques en entreprise apparaît comme le fruit récent d’une pratique venue d’outre atlantique pour compenser la dérégulation économique. L’éthique comble le vide d’une législation qui a du mal à suivre la créativité technique, commerciale et financière de ces trente dernières années. Anne Salmon enrichit considérablement cette approche en resituant les propos tenus en entreprise sur l’éthique dans une longue lignée historique depuis le xviiie siècle. L’auteur tente une dialectique suggestive entre d’une part les discours tour à tour protestants, humanistes, progressistes, et d’autre part les différentes phases de développement du capitalisme occidental. En bonne sociologie, l’accent est placé sur le côté justificateur des discours éthiques. Du coup n’est pas discerné, derrière les discours, ce qui pourrait être des critères d’action. L’ouvrage est davantage convaincant dans sa seconde partie où est thématisée la distinction entre d’une part la perfectibilité de l’homme, qui domine l’humanisme des Lumières au xviiie siècle, idée que l’on découvre déjà chez Blaise Pascal, et d’autre part l’idée de progrès, propre au xixe siècle, progrès conçu comme mouvement indéfini de l’humanité sur une voie continuellement ascendante. Comme Blaise Ollivier voici quelques années, sociologue lui aussi qui distinguait l’acteur perçu par la sociologie et le sujet appréhendé par la psychanalyse, l’auteur appelle de ses vœux une centration sur le sujet. Malheureusement, l’éthique ne peut pas plus se réduire au discours qui emprunte le vocabulaire de l’éthique qu’au sujet de la psychanalyse. Ce que Anne Salmon devine sans le thématiser en évoquant dans sa conclusion l’angoisse éthique.

Étienne Perrot
18 juin 2002
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