Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site

Benchmarking. L’État sous pression statistique

Isabelle Bruno et Emmanuel Didier Zones (La Découverte), 2013, 212 p., 18 €

Encore un anglicisme ! Et celui-ci, venu des États-Unis, est particulièrement retors et difficile à saisir dans sa globalité. C’est le déploiement du benchmarking (évaluation comparative et compétitive indéfiniment reconduite) dans les services publics français qui est ici analysé, avec beaucoup de rigueur et de tranchant. La force de l’ouvrage est d’aborder le benchmarking non seulement comme technique de pouvoir (et de domination) et dans le détail des pratiques, mais aussi comme doctrine générale (néolibérale) et dans ses indicateurs et mesures localement produits. L’attention au terrain est particulièrement éclairante : à l’hôpital, dans la police et l’université, le benchmarking se constitue d’éléments divers, progressivement agencés, révisés à la marge, au gré des alliances et des résistances rencontrées – qu’elles soient individuelles (telle la « chanstique » policière) ou collectives. Ces évolutions portent en elles une tension fondamentale entre une tâche essentiellement qualitative (soigner, protéger, enseigner) et une quantification brutale. Elles sont aussi au centre de rapport de force et d’enjeux de pouvoir : tout le monde n’est pas benchmarké (le sommet de la hiérarchie y échappe) et le benchmarking n’est pas profitable à tous. Dans la police par exemple, si les commissaires peuvent y trouver leur compte, ce n’est pas le cas des gardiens et des gradés. En conclusion, les auteurs en appellent au « statactivisme » ! Une sorte de militantisme qui ferait des statistiques des outils d’émancipation plutôt que de management oppressif : « Les statistiques peuvent constituer une ressource de résistance et d’imagination politiques. (…) Face au benchmarking, ne désertons pas le territoire des quantités. »

Jean Vettraino
29 mai 2013
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules