En permanence Ces vies que je fais miennes
Boris Vallaud Odile Jacob, 2024, 160 p., 15 €.Dans cet ouvrage, le député Boris Vallaud revient sur un aspect de son mandat en s’appuyant sur les chemins de vie poignants des individus qu’il a pu croiser. Un bon moyen de s’interroger sur la distance entre les hommes et les femmes politiques et les citoyens et citoyennes.
« Il y a un peu de vérité dans ces deux pôles d’attraction de la vie parlementaire, entre le réel rugueux des vies humaines et l’abstraction aride des textes de la République. » C’est au premier de ces deux pôles que Boris Vallaud, député de la 3e circonscription des Landes depuis 2017, consacre son ouvrage.
Nous pouvons le recommander, à l’heure où certains se demandent si la politique n’est pas devenue impuissante. On y trouve des échos à celui de Nathalie Nieson, élue députée de la Drôme en 2012, La Députée du coin (Seuil, 2016). Sous une forme littéraire, au sens où « la construction, les objets et le style du texte » sont libres, Boris Vallaud veut « faire mémoire de toutes ces vies labyrinthiques qui trouvent parfois le chemin de [sa] permanence », à Saint-Sever.
Des vies qu’il a faites « siennes », sans se les approprier, autant qu’elles l’ont façonné : « On représente moins les citoyens qu’ils ne nous fabriquent : ce sont eux qui nous construisent et qui font du député ce qu’il est ou devrait être ». Le député livre une vingtaine de portraits (anonymisés), en dix courts chapitres et neuf « intermèdes », qu’encadrent un « avant-dire » et une sorte de conclusion (« Entre nos mains »).
Ces portraits sont plutôt réussis, poignants. Variés, ils incarnent et résonnent avec certaines des grandes questions qui traversent le pays : ruralité, écologie, intégration, services publics… De « Madame B », surendettée, à un réfugié de Guinée Conakry en quête d’une carte de séjour, d’un fromager-affineur indépendant à un paysan de la Chalosse, d’une femme battue à un vieux maire de village, beaucoup témoignent d’un « éloignement ineffable » du politique, d’une déconnexion du pouvoir central, ainsi que d’une administration incompréhensible, implacable…
Et pourtant. Pourtant, les gens s’accrochent, se maintiennent, remontent la pente. Des réponses arrivent. Les liens et la confiance perdurent. Sur un autre plan, on peut être sensible à la connotation personnelle du livre : Boris Vallaud y réfléchit son parcours – il a succédé dans cette circonscription à Henri Emmanuelli –, et réfléchit à sa fonction d’élu. Sensible également aux pages consacrées à ses deux collaboratrices landaises (ainsi qu’à leurs collègues parisiens) : « Mes assistantes sociales, mes défenseuses des droits, mes médiatrices de la République, mes juges de proximité… Elles sont tout cela et bien plus encore. »
Enfin, Boris Vallaud, s’il sillonne le territoire de sa circonscription (184 communes), est aussi conscient de toutes les personnes qui ne prennent pas le chemin de sa permanence, qui ne savent même pas qui il est. Ces dernières sont pour lui « le chaînon manquant de la politique».
27 mars 2025