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Politiques de lutte contre la radicalisation

Collectif Presses de Sciences Po, 2022, 188 p., 25 €.

Qu’est-ce que la radicalisation et comment lutter contre ? Le mot, polysémique et politique, fait émerger des stratégies diverses selon les pays et les situations. Cet ouvrage collectif étudie la question à l’échelle du globe.

Les études que regroupe cet ouvrage poursuivent un objectif commun : enquêter sur les perceptions de violences radicales. Il ne va pas de soi que ces études, en raison de la diversité des cas1, puissent faire preuve d’un esprit commun. Cet esprit est pourtant bien réel, tout en ne relevant pas d’une orthodoxie ni cherchant à en imposer une.

Il tient au parti pris de fonder les analyses sur des enquêtes qualitatives : entretiens (avec les différents praticiens et idéologues des politiques de déradicalisation), observations de terrain, analyses de discours et de documents. Il tient également à une attitude systématique consistant à restituer des processus, autrement dit l’historicité des diverses radicalités et des ripostes à celles-ci.

Le récit consacré au conflit armé entre l’armée nigériane et Boko Haram, groupe djihadiste créé en 2009 dans l’État de Borno, au nord-est du Nigeria, témoigne de cette démarche processuelle. L’auteur relate à la fois les diverses violences djihadistes et les offensives meurtrières des troupes nigérianes. Il inscrit dans ce récit de guerre la succession de différents modes de déradicalisation, notamment de pratiques d’abord massivement brutales engagées par l’armée.

Puis l’auteur relate la mise en œuvre progressive de réintégrations hors des prisons militaires et les tensions suscitées par cette insertion dans les « scènes locales ». Cette étude de cas est exemplaire du type de récit privilégié par les auteurs. Les trois coordinateurs du livre soulignent que ces récits suscitent (ou ressuscitent) « d’anciennes tensions » entre les chercheurs et les différents demandeurs publics en attente « de liens de causalité simples » rendant possibles « la prise de décision et, souvent, la désignation de boucs émissaires.».

Dans les pays occidentaux, les stratégies de déradicalisation ont un caractère éminemment sélectif, privilégiant un modèle « racialisé » d’intervention.

Il reste à évoquer, au moins brièvement, quelques apports importants de ce livre. Ainsi, plusieurs auteurs attestent que, dans les pays occidentaux, les stratégies de déradicalisation ont un caractère éminemment sélectif : elles visent « les musulmans », « la menace djihadiste », privilégiant ainsi un modèle « racialisé » d’intervention.

Simultanément, plusieurs auteurs soulignent qu’en pratique, le paradigme de la déradicalisation n’est pas appliqué à plusieurs cas européens de violences extrêmes : celles, en hausse, de l’extrême droite, celles commises par des groupements spécialisés, les forces policières et militaires.

Soulignons enfin les qualités documentaires de l’ouvrage : en particulier la présentation de cartes régionales, de données statistiques (nombre de décès dus au terrorisme), de chronologies diverses (en particulier de la déradicalisation), de bibliographies classées par études de cas, etc. Enfin, il est dans tous les cas précisé que les politiques répressives de déradicalisation ont pour conséquence des atteintes aux libertés individuelles et publiques. 

1 Les études ont été menées au Royaume-Uni, en Norvège, au Kosovo, en Bosnie-Herzégovine, au Danemark, en France, en Chine, en Indonésie, au Nigeria, en Égypte, en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, au sein des rébellions syriennes, au Pakistan ou encore aux États-Unis.

Marc Le pape
28 janvier 2024
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