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Petit traité d'écomobilité

Alexis Fraisse Editions Charles Léopold Mayer, 2023, 198 p., 14 €.

Ex-ingénieur chez Airbus et militant écologiste, Alexis Fraisse mobilise des principes élémentaires de physique pour démontrer la pertinence de l’écomobilité.

«Il est urgent de prendre un autre chemin. » Au contraire du reste du règne animal, l’espèce humaine est la seule à être à la fois perturbatrice, régulatrice et invasive, apte à saccager son propre espace de vie. En cinq grands chapitres thématiques, Alexis Fraisse nous propose un tour d’horizon de l’hypermobilité et de ses conséquences environnementales. Premier constat : la vie ne nous a pas attendus pour se diffuser. Simplement, nous avons accéléré le mouvement jusqu’à une situation qui pèse désormais sur le biotope d’une façon inédite.

La cause est connue et documentée : il s’agit des activités thermo-industrielles, au fondement du développement de nos sociétés contemporaines. Plus spécifiquement, ce sont nos moteurs – qu’ils proviennent de l’aviation civile et commerciale, de l’automobile ou de la marine marchande – qui sont les grands agents pollueurs.

Nous nous orientons ainsi, d’ici 2050, vers une augmentation de 3 °C pour la fin du siècle selon les évaluations scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (Giec). Dans ce contexte, la question de nos déplacements et de leur durabilité devient urgente pour éviter de remettre en cause notre propre survie en tant qu’espèce.

Au-delà de son seul coût énergétique, l’extraction des matières premières servant à la construction et à l’entretien de nos véhicules s’appuie sur de l’esclavage moderne et participe à une raréfaction qui risque d’entraîner, à terme, des tensions géopolitiques majeures.

Le fétichisme de la marchandise bat son plein et rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Pour assombrir encore le tableau, l’auteur nous rappelle que la pollution atmosphérique est à l’origine de « nombreuses maladies cardiovasculaires et respiratoires ainsi que des cancers [qui] tuent 7 millions de personnes chaque année dans le monde ».

L’auteur plaide pour un retour à un déplacement plus local, permettant de mieux apprécier notre environnement proche et de faire naître de nouvelles formes de solidarités, plus enracinées. Se pose alors la question des besoins. A-t-on vraiment besoin de voyager à l’autre bout du monde chaque été en prenant l’avion, quand certaines de nos régions ont tant de charmes et de secrets ?

Sans se montrer moraliste, Fraisse pose la question de la pertinence, sur le long terme, de la liberté au sens du « libre choix » du consommateur, indexé à une certaine aisance financière. En effet, la provenance des produits que nous achetons, dans un contexte mondialisé, pèse sur la balance environnementale.

Il en va de même pour l’achat de biens positionnels, notamment en matière automobile, qui tendent vers le « toujours plus ». Le fétichisme de la marchandise bat son plein et rien ne semble pouvoir l’arrêter, si ce n’est la prise de conscience que « le seul capital que nous devons entretenir coûte que coûte, c’est le patrimoine vivant qui nous permet d’exister sur cette Terre ».

Physique écologique

L’auteur se propose d’éclairer ces considérations philosophiques à la vue des forces physiques en jeu lors de nos déplacements. Le mouvement est en effet avant tout une histoire d’énergie. Pour affronter la gravité en fonction de l’altitude, trois solutions cumulatives s’offrent à nous : contourner, réduire la vitesse ou diminuer le poids.

S’ensuit un ensemble de conseils pratiques pour conserver l’énergie et entretenir le mouvement, de manière fluide. La perte d’énergie est constante, même lorsqu’elle est minime (comme dans la conversion équilibrée entre l’énergie cinétique et l’énergie potentielle de pesanteur), ne serait-ce que pour des raisons de sécurité, qui nécessitent l’existence de freins.

L’une des solutions est alors l’écoconduite qui constitue, à échelle individuelle, le meilleur moyen de faire baisser significativement sa consommation. Mais le contact avec la route déforme les pneus de tout véhicule sous son propre poids, ce qui mène à une résistance au roulement qui nécessite l’emploi de davantage d’énergie. Selon ce principe, les véhicules sur rails sont à privilégier puisque le frottement du fer sur le fer produit bien moins de déformations.

La résistance à l’air demeure un problème, d’autant plus qu’elle augmente corrélativement avec la vitesse. Même constat en ce qui concerne l’eau. L’aérodynamique tout comme l’hydrodynamique seraient donc à privilégier, mais ne semblent pas être à l’ordre du jour des constructeurs. Il en va de même pour toutes les techniques qui visent à diminuer les frictions internes aux moteurs.

Les coûts de production du moteur électrique sont encore loin d’être soutenables écologiquement.

Celui-ci demeure la pièce maîtresse. De l’analyse de l’auteur ressort que, bien que nous puissions établir un classement des moteurs les moins énergivores, aucune solution n’est encore pleinement satisfaisante.

Si le moteur thermique est à oublier, les coûts de production du moteur électrique et les sources d’alimentation sont encore loin d’être soutenables écologiquement. Efficience énergétique, bilan carbone, pénurie des matières premières, dangerosité externe : les sources d’énergie concurrentes ont souvent les défauts de leurs qualités.

Toutefois, ce sont bien les énergies renouvelables qui, sans être entièrement propres, sont les plus à même de répondre à la crise environnementale, tout en continuant d’alimenter notre motricité électrique. Le dilemme entre l’autonomie des batteries (dépendant de la capacité de stockage) et leur taille, s’il peut être atténué par le progrès technologique, ne disparaîtra jamais complètement.

L’hybride enfin, que certains ont pu présenter comme la solution miracle, souffre là encore d’une dépendance au moteur à essence qui reprend le dessus dès lors que les performances doivent être poussées au-delà d’un rythme de croisière urbain.

Magique mécanique

Pourquoi ne pas revenir à l’énergie mécanique, demande alors Alexis Fraisse ? Nous disposons en effet d’un formidable outil qui peut être amélioré sous l’effet du poids, d’un volant d’inertie, d’un ressort ou encore des déplacements naturels du vent et des courants. Mais plus encore, nos propres corps, moteurs biologiques, recèlent de grandes qualités. Jouissant « d’une grande fiabilité […] et d’une grande sobriété, […] ils n’émettent pas de produits toxiques pour leur environnement ».

Avant de terminer en abordant les pistes à emprunter, l’auteur met en pièces les fausses promesses alimentées par les principes occultes, des solutions démesurées, la révolution numérique ou, plus globalement, le techno-optimisme.

Se gardant de toute pensée spéculative et lui préférant un rationalisme bienvenu, l’auteur termine par les solutions envisageables. Si cela mène à laisser quelques points en suspens, cela évite un quelconque catastrophisme ou des hypothèses utopistes.

Ainsi propose-t-il sur voie aérienne de se réintéresser au planage et d’envisager le retour des aérostats (ballons dirigeables à l’hélium). De même pourrions-nous mieux attraper le vent sur voie maritime. Enfin, sur voie terrestre, l’auteur plaide pour un réapprentissage de la bipédie, un usage intensifié du vélo, des voitures à pédale et des transports en commun. Le tout afin de sortir du marasme de la croissance et du développement ininterrompu, et pour nous réconcilier avec notre environnement proche, tout en préservant le vivant.

Aurèle Salomon
26 septembre 2023
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