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La crise écologique, une chance pour la démocratie

Les Poissons roses Les Poissons roses, La crise écologique, une chance pour la démocratie, Cerf, 2022, 123 p., 12 €.

Dans le contexte électoral, l’association Les Poissons roses a formulé vingt-deux propositions pour une démocratie implicative et territoriale, apte à mener la transition écologique.

L’association Les Poissons roses est une plateforme de réflexion de chrétiens personnalistes de gauche, indépendante de toute obédience. Elle a déjà publié plusieurs textes, dont son manifeste À contre-courant en 2016 et Le peuple invisible en 2021. Son nouvel opus procède du rapport d’un groupe de travail « démocratie et écologie » ayant auditionné quelques personnalités.

Clair et sans jargon, l’ouvrage se réfère notamment à Dominique Bourg, Jean Carassus, aux encycliques de François, à Christophe Guilluy, Jean-Charles Hourcade, Bruno Latour ou encore Bernard Perret. Il se situe dans le contexte de la dernière élection présidentielle et, manifestement, les propositions s’adressent d’abord aux candidats tout en prenant le lecteur à témoin, ce qui lui conserve toute son actualité.

Pour les auteurs, la crise écologique se présente d’évidence comme un « obstacle inédit ». Ils ne s’appesantissent pas à en rappeler l’étendue dans tous ses détails pour aller droit à leur thèse. L’option défendue ici est que seule une démocratie renouvelée permettra de trouver les ressources permettant d’affronter la crise avec quelques chances de succès : « Notre axiome de départ est que la transition écologique ne s’imposera pas par le haut. » Ce petit ouvrage se présente comme un plaidoyer en faveur d’une démocratie dynamisée et apaisée.

Scénarios catastrophes

Selon ses auteurs, deux scénarios extrêmes de conversion environnementale conduiraient à une impasse : celui de la « rupture » qui passerait par la coercition drastique d’un État fort maîtrisant tous les leviers ; et celui du « développement » qui prendrait acte d’un monde à +3° degrés et chercherait à le rendre vivable en tentant de lutter contre la pauvreté et en procédant à un rééquilibrage Nord-Sud.
Pour sortir de l’alternative, il faut « produire du sens », « imaginer des modes de vie supportables par la planète et l’humanité et des solutions qui ne soient pas seulement techniques ». Le basculement vers des modes de développement et de vie radicalement différents nécessite un mouvement d’ensemble de la société et une adhésion de tous les citoyens et de toutes les parties prenantes.

Le diagnostic posé par les Poissons roses sur l’état actuel de la démocratie française est sans concession : délitement du lien social et de la conscience politique, fractures en courants irréconciliables, marginalisation des invisibles, contestation permanente de la parole des experts, ruptures générationnelles, cascade de décentralisations qui noient les responsabilités, médias incapables de mettre en valeur le « commun partagé », etc.

Le vivre-ensemble ne serait-il qu’un enfumage dissimulant la violence sociale ?, osent s’interroger les auteurs.

Le rapport va jusqu’à questionner le concept (« très catholique ») du vivre-ensemble : ne serait-il qu’un « enfumage » dissimulant la violence sociale ? Il souhaite que « l’écologie politique ne devienne pas une imposture », mais s’interroge en même temps sur l’action des maires écologistes dans les grandes métropoles et affirme « qu’une prise de pouvoir institutionnelle par des partis verts ne suffirait pas à régler le problème ».

Pour dépasser le dilemme, le livre appelle à changer de fond en comble le paradigme de notre société à tous ses niveaux et à travailler à « l’alignement des planètes ». Il s’agit de mettre l’ensemble des forces en mouvement dans le même sens : les planètes des acteurs – du citoyen jusqu’aux entreprises –, celles des territoires – du local jusqu’au mondial – et enfin celles des « moteurs » (l’État, le droit et la science).

Les auteurs proposent une « démocratie implicative et territoriale » pour obtenir cette convergence : « Pour concilier le social et l’écologie, il est nécessaire de répondre au besoin de sécurité des citoyens » face aux risques, de « remplacer le progrès économique par le souci des communs comme but de l’action publique », de « viser une société fraternelle » et de clarifier « la vision de la société que nous voulons construire ensemble ».

Adossement spirituel

Le rapport évoque également à plusieurs reprises un « adossement spirituel » de ce projet de refonte démocratique. La justification de cette assertion paraît toutefois ténue lorsqu’il est fait allusion à « un arrière-plan incontournable, délicat à évoquer dans notre régime laïc », ou au « besoin de sens » devant « les exigences en termes de ressources morales et de résilience personnelle » suscitées par la transformation écologique de la société.

L’argumentaire aboutit à vingt-deux propositions éducatives, institutionnelles, financières, sociales et écologiques. On y trouve notamment la réforme de l’éducation civique, morale et écologique, la création d’une chambre des conflits du futur, l’instauration d’un financement écologique remboursé au prêteur exclusivement en fonction de la performance du projet, la responsabilisation de chacun par un bilan carbone individuel, la garantie de la sécurité économique et sociale des plus fragiles.

Les neuf propositions institutionnelles ne concernent pas particulièrement les territoires locaux et on peut regretter que le pilier territorial de la démocratie implicative ne soit qu’esquissé. De même, les corps intermédiaires et autres contre-pouvoirs ne trouvent pas clairement leur place dans le dispositif, alors que leur rôle éminent est souligné.

Au final, il s’agit de propositions politiques intéressantes, et les Poissons roses attirent intelligemment notre attention sur l’ampleur du renouvellement démocratique nécessaire dans la période de transition qui s’annonce. Sans s’avérer franchement novatrices pour la plupart, ces propositions ont le grand mérite de fournir un cadre cohérent de réflexion pour chacun.

Jacques Debouverie
29 novembre 2022
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