Comment le migrant est-il perçu en France depuis deux siècles ? Le moins que l’on puisse dire est que migration et peur de l’Autre vont de pair tout au long de l’histoire. Cependant, la per-ception du migrant demeure un vecteur déterminant de la construction d’une nation. Bien que les vagues de migration se transforment, les critères de définition de l’altérité sont étonnamment constants. Parmi ceux-ci, la religion, des Polonais « trop catholiques » aux musulmans « islamistes »; la violence, celle des Italiens au « couteau facile » de la fin du XIX^e siècle, ou du « terrorisme » importé de Syrie ; ou encore la concurrence sur l’emploi, « un million de chômeurs, un million d’immigrés de trop » dans les années 1970.

La première partie de l’ouvrage cherche à définir de manière pertinente « qui est l’Autre ? », en analysant la grande variabilité des catégorisations, ainsi que la construction des idées reçues.

Dans un second temps, l’autrice parcourt les époques en étudiant le rapport entre migrations et peur de l’Autre, en s’appuyant sur des articles de journaux, des proclamations politiques, des films, des romans, mais également des ouvrages de sciences sociales, C’est surtout dans les vingt-cinq années qui précèdent le troisième millénaire que les images négatives de l’Autre souvent incarné par le migrant se sont exarcerbées. Dans les années 2000, l’Autre fait davantage l’objet d’une instrumentalisation dans le cadre de la définition de l’identité nationale. Les enjeux de l’altérité se cristallisent désormais dans les questions d’intégration, souvent correlées à l’islam. 

La troisième partie cherche à « déconstruire et reconstruire l’Autre ». Il s’agit en effet de dénoncer et abolir les politiques sécuritaires européennes qui ont pour effet de construire l’Autre comme un ennemi. Il s’agit tout autant de transformer la représentation de la frontière, pour que soient érigés des ponts plutôt que des murs. L’enjeu touche les questions de la citoyenneté et de la nationalité. La compétence et les références mises en œuvre par Catherine Wihtol de Wenden sont éloquentes et témoignent de l’importance du sujet de l’altérité d’une actualité brûlante.