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Le renouveau éclatant du spirituel en Chine Renaissance des religions, répression du Parti

Claude Meyer Bayard, 2021, 320 p., 21,90 €.

Particulièrement violentes envers les Ouighours, les persécutions du régime chinois concernent toutes les minorités religieuses. Elles ne sauraient néanmoins freiner le réveil spirituel de l’Empire du Milieu.  

Ce n’est pas la première fois que l’économiste Claude Meyer publie sur les grands pays d’Asie1. L’ancien directeur de la Banque européenne de Tokyo élargit aujourd’hui sa réflexion à la culture spirituelle et religieuse. Le sous-titre de son ouvrage (Renaissance des religions, répression du Parti) en dit long sur ce qui affecte en ce moment l’esprit et le cœur de nombreux Chinois.

D’ici à 2030, rappelle l’auteur, l’économie chinoise dépassera celle des États-Unis. En 2049, la Chine ravira à la grande nation occidentale le leadership mondial « à marche forcée de ses capacités militaires et stratégiques » sous l’égide du Parti communiste. On découvre néanmoins que 350 millions de croyants opposent une forme de résistance à une idéologie imposée d’une main de fer.

Face à eux, le Parti déploie une farouche énergie répressive pour atteindre deux objectifs : « Le premier, d’asphyxier les communautés de croyants qui pourraient menacer son pouvoir ; le second, d’expurger la société de toute croyance jugée nuisible, notamment celle que les forces occidentales hostiles introduiraient pour saper le régime. »

Le Parti se dresse aussi contre les religions traditionnelles du pays : confucianisme, taoïsme et bouddhisme. 

L’auteur rappelle la sévérité des mesures prises en son temps par Mao Zedong pour éliminer la religion, en particulier durant la Révolution culturelle entre 1966 à 1976. Églises, temples, mosquées et monastères sont détruits par milliers et un nombre incalculable de religieux subissent emprisonnements, tortures et exécutions.

La tension se relâche sous les successeurs du « Grand Timonier », Deng Xiaoping, Jiang Zemin et Hu Jintao, le second estimant que les religions, lorsqu’elles sont contrôlées par l’État, sont un moyen de promouvoir « une société harmonieuse ». L’actuel président, Xi Jinping, les tient au contraire pour des « ferments de contestation politique à éradiquer ». Le Parti se dresse contre les confessions chrétiennes et l’islam, mais aussi contre les religions traditionnelles du pays : confucianisme, taoïsme et bouddhisme.

Le retour du religieux a de quoi surprendre dans une société bâtie sur l’hyper-matérialisme et l’hédonisme consumériste. En réalité, note l’auteur, la lutte officiellement menée contre la corruption ainsi que la « religion maoïste » n’ont en rien empêché le « chaos social », « le désordre idéologique » et « la banqueroute éthique ». Autant d’éléments constitutifs d’un vide spirituel et d’une crise morale qui tendrait à favoriser par contrecoup les adhésions croyantes. La Chine compterait aujourd’hui quelque 250 millions de bouddhistes, 70 millions de protestants, 23 millions de musulmans et 12 millions de catholiques, soit autant que de taoïstes2.

En 2030, année du centenaire du Parti communiste, la Chine sera numériquement le premier pays chrétien au monde.

La violence s’exerce avec une intensité particulière contre les musulmans du Xinjiang. Sans employer le terme de « génocide », l’auteur décrit les camps d’internement de masse, les arrestations et les emprisonnements, le contrôle coercitif des naissances, le travail forcé et la surveillance généralisée dont ils sont victimes. Les pays étrangers, occidentaux ou non, se mobilisent-ils suffisamment pour défendre les Ouighours ?

Une autre partie de l’ouvrage s’attarde sur l’évolution du christianisme en Chine. Côté catholique, Claude Meyer prend le temps de rappeler, avec tendresse, la science des premiers jésuites, notamment Matteo Ricci, venu proposer la foi chrétienne aux aristocrates chinois du XVI° siècle. La querelle des rites, en 1704, verra la condamnation de cette approche fortement acculturée et appuyée sur le culte des ancêtres et de Confucius.

Un long chapitre se penche sur la lutte actuelle du Parti contre les Églises, l’officielle et la clandestine, entre contrôle étouffant et violence directe. La répression des protestants apparaît moins sévère, ces derniers ne dépendant pas d’un magistère occidental. L’auteur n’en souligne pas moins avec malice qu’en 2030, année du centenaire du Parti communiste, « la Chine sera sans doute [numériquement – ndlr] le premier pays chrétien au monde ».

1 La Chine, banquier du monde (Fayard, 2014), L’Occident face à la renaissance de la Chine (Odile Jacob, 2018) et Chine ou Japon. Quel leader pour l’Asie ? (Presses de Science-Po, 2010).

2 Une annexe précieuse développe la répression des musulmans dans le Xinjiang où il s’agirait plus, par assimilation forcée, de dissoudre l’identité ouïgoure par des crimes contre l’humanité que d’exterminer cette population. Une autre annexe décrit la richesse des civilisations spirituelles de la Chine.

Yves Bourron
12 février 2022
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