Préserver l’emploi ou l’environnement ? La santé ou l’économie ? Inspiré de faits réels, le thriller écologique Rouge nous emmène au coeur d’une usine chimique, où se pensent, au plus près du terrain, les termes d’une vraie conversion écologique.

Une ville du sud de la France ; des barres d’immeubles font face à une usine de traitement de la bauxite. Le décor, très graphique, joue sur le blanc-gris des barres, le vert des forêts environnantes et le rouge de la terre de bauxite. Rouge met en scène Slimane (Sami Bouajila), un ouvrier et représentant syndical qui milite depuis des années pour la survie de son usine, et sa fille, Nour (interprétée par l’excellente Zita Hanrot), récemment embauchée comme infirmière dans l’entreprise.

Dès les premières minutes se tisse un conflit d’appartenance pour la jeune infirmière. Alors que sa conscience professionnelle lui intime de déclarer les accidents du travail et d’alerter sur la santé de certains employés, elle se heurte à une réticence suspecte.

Les choses se compliquent encore lorsqu’une journaliste d’investigation intervient. Enquêtant sur la toxicité des boues rouges rejetées dans le parc naturel attenant, elle cherche à empêcher l’obtention d’un nouveau permis de rejet pour l’usine. Elle se tourne vers Nour, dont le père cherche à sauver l’usine et ses emplois à tout prix, quitte à maquiller la vérité…

Les choix de Nour engageront la vie des salariés et la santé économique de la région.

On comprend vite qu’il ne s’agira pas simplement d’un dilemme personnel : les choix que posera Nour engageront la vie des salariés et la santé économique de la région. Les élus locaux, le député en campagne, l’industriel propriétaire de l’usine, les militants syndicaux semblent marcher main dans la main : tous ont un intérêt au renouvellement du permis de rejet, seul à même de sauver l’usine.

Ce film entre en plein dans les questions auxquelles nous faisons face actuellement : comment concilier une politique écologique ambitieuse et le souci des conditions de vie des salariés, alors que l’emploi de milliers de travailleurs est en jeu ? Quelle responsabilité personnelle de chaque acteur, syndicalistes, élus locaux ou nationaux, simples salariés, dirigeants d’entreprises, médias ?

Rouge est une fiction inspirée de faits réels. C’est aussi un témoignage important à l’heure où des coalitions comme le Pacte du pouvoir de vivre ou le collectif « Plus jamais ça »1 cherchent à unir syndicats, organisations écologistes et de la société civile pour construire des propositions à partir de la base, de la réalité des salariés et des citoyens sur le terrain.

L’enjeu de notre temps est bien de penser la transition écologique à partir des femmes et des hommes qui travaillent.

L’enjeu de notre temps est bien de penser la transition écologique à partir des femmes et des hommes qui travaillent. En effet, celles et ceux-ci ont une vraie expertise, un savoir-faire, qu’il s’agit de ne pas balayer d’un revers de main. Une des pistes, esquissée dans ce film, pourrait être de différencier la nature de l’activité des travailleurs des industries polluantes et leur savoir-faire.

La transition écologique passera nécessairement par la concertation de tous les acteurs pour favoriser une nouvelle économie, plus participative, plus respectueuse des travailleurs et de l’environnement. Le risque d’une planification par le haut de la transition écologique est d’approfondir les fractures sociales, sans trouver de solutions industrielles pérennes.

_{1 Le Pacte du pouvoir de vivre et le collectif « Plus jamais ça » sont des coalitions d’organisations de la société civile. Le Pacte du pouvoir de vivre compte parmi ses signataires la CFDT, ATD-Quart Monde, France Nature Environnement ou le Ceras, qui édite la Revue Projet. Le collectif « Plus jamais ça » (CGT, Union Syndicale Solidaires, Greenpeace, Attac…) a proposé un « Plan de rupture pour la sortie de crise » le 25 août 2021.}