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Extensions du domaine du don Demander-donner-recevoir-rendre

Alain Caillé Actes Sud, 2019, 336p., 22,80€

Alain Caillé a créé au début des années 1980 la Revue du MAUSS. Cet acronyme, pour Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales, se réfère à l’anthropologue Marcel Mauss, auteur en 1925 de l’Essai sur le don, « texte le plus important de l’histoire des sciences sociales » selon Alain Caillé. Ce dernier rassemble ici, avec bonheur, les différentes pièces d’un puzzle patiemment élaboré – une trentaine de livres et d’innombrables articles (dont certains dans la Revue Projet). Il entreprend d’expliciter, d’actualiser et de systématiser le paradigme du don maussien, la triple obligation donner-recevoir-rendre, dans la perspective d’« une science sociale généraliste ». Il le transforme dès lors en un « paradigme du don étendu ». Ainsi, la triple obligation est complétée par le fait de « demander » (terme qui ne fait pas l’unanimité au sein de la Revue du MAUSS). Que serait en effet un don dont le destinataire n’aurait que faire ? Ces quatre temps – sous-titre de l’ouvrage – donnent de modéliser un cycle permettant faire société sur des bases de reconnaissance mutuelle. Mais ce cycle peut se retourner, devenant « diabolique » : ignorer-prendre-refuser-garder. Le sociologue se montre soucieux de « la fragmentation généralisée de nos sociétés ». Une autre extension du paradigme, basée sur la réciprocité, permet d’entrer en dialogue avec les théories du care : il s’agit de penser un don généralisé, où l’on attend un retour d’autres personnes que celles auxquelles on prodigue des soins (au sens large). Un nourrisson ou une personne malade sont dans l’impossibilité de rendre directement ce qui leur est donné. Afin de penser le don dans toutes ses dimensions et implications, l’Essai de 1925 étant centré sur la dimension agonistique du don, Alain Caillé a forgé quelques concepts : la donation (sorte d’état de grâce où les choses nous seraient comme données), l’adonnement (investissement dans l’activité) et la donativité. Celle-ci désigne « à la fois la capacité du sujet à demander, donner, recevoir et rendre à bon escient (donativité 1) et à s’adonner à des activités qui le mettent en rapport avec un moment de donation (donativité 2). » Le paradigme du don étendu, reconnaissant le caractère universel, originel et fondamental des relations de don, peut ainsi s’appliquer à des domaines très variés : nature, jeu(x), relations internationales, sport, management, art ou encore religion. Il permet de les voir sous un jour nouveau. De cette analyse, les grands absents sont Internet et le numérique… Alain Caillé répondrait sans doute : à d’autres de poursuivre le travail ! La conclusion de l’ouvrage n’en est d’ailleurs pas une, mais une ouverture sur le paradigme de la résonance du sociologue Hartmut Rosa et un appel à instituer des lieux de débats « dont la neutralité et le souci de vérité soient incontestables. »

Jean Vettraino
4 septembre 2020
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