Planète vide Le choc de la décroissance démographique mondiale
Darrell Bricker et John Ibbitson Les Arènes, 2020, 336 p., 20 €En 2015, l’Italie a connu moins de naissances que pendant toute autre année depuis son unification en 1861. La population diminue aussi dans une vingtaine de pays et « notre avenir [proche] sera marqué par un phénomène inédit : un monde qui se réduit numériquement parce que nous l’avons choisi ». Cet essai brosse à grands traits les tenants et aboutissants d’une décroissance démographique annoncée, alternant des chapitres centrés sur une région du monde ou un pays et d’autres problématisés (économie, culture et migrations notamment). Il est intéressant à plus d’un titre. Il défend la thèse « iconoclaste » d’un pic de la population mondiale situé à neuf milliards d’habitants aux alentours de 2040-2060. Et il montre bien des évolutions globales, comme la corrélation entre déclin des emprises sociales de différents ordres – religieuse, familiale, villageoise – et baisse du nombre d’enfants par femme ; rappelle le rôle essentiel de l’urbanisation et de l’éducation ; nuance le rôle des politiques publiques. Les deux auteurs sont des intellectuels canadiens libéraux et utilitaristes, dont le point de vue décalé pour un Français est précieux ; leur chapitre consacré à « la solution canadienne » est stimulant. Pour autant, leur essai souffre de sérieuses limites. L’une tient à la démographie. À trop vouloir tordre le bâton dans l’autre sens, celui d’une décroissance mondiale, ils évacuent un peu rapidement tout ce qui n’alimente pas leur thèse (biais de confirmation), à commencer par les hypothèses onusiennes. Ils en arrivent aussi à postuler l’irréversibilité du « piège de la fécondité basse » – irréversibilité qui, comme pour tout phénomène humain, est impossible à étayer. Par ailleurs, une interrogation subsiste : comment miser sur l’immigration pour combler le déclin démographique, à l’instar du Canada cité en exemple, si tous les pays décroissent dans un demi-siècle ? Une autre limite tient au simplisme du traitement des questions écologiques, au niveau individuel comme au niveau global. L’ouvrage paraît donc inabouti, sinon superficiel. C’est dommage, tant les enjeux démographiques sont cruciaux et souvent méconnus. La Revue Projet y avait consacré un numéro à l’été 2017 : « Fécondité : un enjeu pour la planète ? ».
29 juin 2020