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Le rêve du chien sauvage Amour et extinction

Deborah Bird Rose La Découverte, 2020, 224 p., 18 €

« Les humains sont-ils capables d’aimer les animaux et les plantes qui aujourd’hui meurent au gré d’une cascade exponentielle d’extinctions ? » Scène inaugurale : dans les années 2000, non loin de Canberra (Australie), des dingos, dépecés et pendus. Deborah Bird Rose, anthropologue, spécialiste de l’Australie et des communautés aborigènes – dont celle de Yarralin qui se distingue par des liens très forts entretenus avec les chiens –, dit se retrouver « devant ces corps sans défense […] face à un événement qui résume les problèmes majeurs de l’humanité et de ses relations éthiques avec le vivant sur Terre ». Son essai, d’abord publié en 2011 aux États-Unis, explore certains de ces problèmes. La méthode est singulière, reliant des récits, puisant aux traditions aborigènes comme occidentales. L’amplitude et l’hétérogénéité des textes mobilisés sont extrêmes : de la Bible à des romans de John Maxwell Coetzee, de la pensée de Léon Chestov à celle de Donna Haraway… Sans oublier les sciences de la vie et de la Terre ! Et, de fait, le récit est là, « comme la vie » aurait pu dire Roland Barthes. L’autrice déplie, déploie le sens des massacres des dingos, que ce soit par balles ou par des dispositifs extraordinaires comme cette clôture de 5 400 kilomètres balafrant le quart sud-est de l’Australie, ou le largage par avion de boulettes empoisonnées. Cette mort animale « crée un trou dans le tissu de la vie, une perte qui se répercute chez tous les autres vivants, humains et non-humains ». Une destruction qui a des conséquences sur le sens même de la mort et qui pourrait en avoir sur Dieu lui-même ! À partir des dingos, intégrés dans la cosmologie du « vieux Tim Yilngayarri », son principal guide aborigène, Rose propose un paradigme de la connectivité qui « suppose d’imaginer que les êtres vivants sont toujours enchevêtrés et liés par une prérogative commune et morale : assurer la perpétuation de la vie » et, au-delà, l’idée d’un « existentialisme écologique ». Imaginatif, puissant, « sauvage », l’ouvrage ne souhaite pas conclure. Il esquisse des pistes, ouvre des voies de compréhension originales au monde qui nous entoure. Début 2020, après les méga-feux en Australie qui ont ravagé plus de huit millions d’hectares et décimé plus d’un milliard d’animaux en quelques mois, il est d’une actualité confondante.

Jean Vettraino
30 juin 2020
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