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Les lois de la désobéissance Traité de l’orgueil et de la mauvaise volonté

Stéphane Bonnet PUF, 2020, 272 p., 16 €

« Désobéir, jusqu’où ? » titrait La Croix le 16 octobre 2019. En France, depuis une dizaine d’années au moins, montent les réflexions autour de la désobéissance, qu’elle soit collective, civile, éthique, individuelle… Et les philosophes d’y contribuer ! Stéphane Bonnet travaille ici, dans la série « Émancipations » proposée par Bruno Karsenti, le rapport entre (dés) obéissance et émancipation. Peut-on rester fidèle à une désobéissance constitutive de notre liberté sans que cette désobéissance ne se donne certaines lois ? L’« homme » (hommes et femmes), pour l’auteur, n’a pas d’essence ; il est essentiellement libre et n’est rien d’autre que ce qu’il fait. Dès lors, « nous ne resterons libres que si nous obéissons à la liberté, c’est-à-dire à la désobéissance ». Cette dernière s’ancre dans « l’amour de soi » et dans un orgueil défini positivement comme « cette manière d’être de l’âme qui se complaît en elle-même et se pose comme le principe qui commande l’homme et autorise ses actions ». Cette désobéissance liberté a bien quelques lois, empêchant qu’elle ne dégénère en un individualisme forcené et ne tombe dans l’abjection. D’abord, la limitation évidente par les droits des autres, suivant « l’esprit des droits de l’homme » dans lequel le philosophe voit une force spirituelle. Ensuite, l’ancrage dans le passé de l’émancipation. Et c’est bien l’émancipation du catholicisme et de Dieu qui a constitué et continue de constituer – d’où une longue réfutation de la proposition politique chrétienne de Pierre Manent dans Situation de la France – l’un des gestes fondateurs de la désobéissance. C’est ainsi, à côté de l’orgueil sans culpabilité, que doit s’entendre la seconde partie du sous-titre du livre : « Notre mauvaise volonté préférera encore se détourner de Dieu pour se plaire en soi. » L’auteur insiste sur les spécificités françaises de cette émancipation, en particulier par rapport à la manière d’entendre et de concevoir (philosophiquement) la liberté en Allemagne. Finalement, les points de départ et d’arrivée de cette réflexion sont politiques. Stéphane Bonnet tente de retrouver une « politique de la liberté » et le sens – socialiste – de l’histoire, contre les politiques (victimaires) du ressentiment et contre un individualisme libéral abject, au bord d’un gouffre d’apolitisme et d’impuissance… L’abstraction et la généralité de ces considérations proprement politiques font sans doute perdre un peu de force à l’ouvrage ; il n’en demeure pas moins original et stimulant.

Émilie Reclus
25 juin 2020
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