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La culture de la croissance Les origines de l’économie moderne

Joel Mokyr Gallimard, 2019, 576 p., 36 €

La « grande divergence » entre l’Europe et le reste du monde qui a eu lieu à la fin du XVIIIe siècle représente une énigme tenace pour les économistes. Nombreuses sont les explications qui ont été données : l’accumulation de capital, la réalisation de gains de productivité, l’investissement dans le capital humain ou plus récemment la mise en place d’institutions inclusives, pour ne citer que les principales. Dans cet ouvrage, Joel Mokyr n’entend pas remettre en cause ces propositions, mais plutôt les compléter, en pointant du doigt la période qui précède la révolution industrielle (1500-1700), une période au cours de laquelle l’Europe connaît une révolution épistémique sous l’impulsion de la République des Lettres. Pour Joel Mokyr, l’évolution culturelle que connaît alors l’Europe à cette époque est l’élément central qui explique la divergence à venir, sans être pour autant ni nécessaire ni suffisant. Afin d’éviter un cadre dont l’issue serait intentionnelle, Joel Mokyr présente une lecture évolutionniste de l’histoire de la culture qui peut parfois troubler tant le raisonnement systématique et le lien causal en sont exclus : les mêmes croyances pouvant déboucher sur des comportements différents, et des comportements similaires provenir de croyances différentes. Face à cette « pléiotropie culturelle », Joel Mokyr retient tout de même deux points structurants : un ensemble de biais dans la transmission des « menus culturels » entre générations, que l’auteur détaille très rapidement, mais surtout l’existence d’« entrepreneurs culturels » qui amènent les individus à la convergence culturelle, à l’image de Francis Bacon et Isaac Newton. L’avancée culturelle est dans la croyance dans le progrès, qui sous-entend un dépassement des connaissances accumulées par les générations précédentes, qui place son attention sur le « savoir utile », qui doit faire progresser les conditions matérielles de l’humanité. La culture humaniste semble toute proche, sans pour autant figurer dans un ouvrage qui, par ailleurs, peine à monter en généralité : la lecture évolutionniste évite la pensée schématique mais ne permet pas de passer du cas unique (la « grande divergence ») à d’autres périodes (l’Empire romain, la Venise médiévale, les cités États mayas, etc.) même si une comparaison avec la Chine illustre le propos. Le lecteur en ressort avec un sentiment optimiste au constat que les combats pour des idées peuvent changer le cours de l’histoire.

Marc Pourroy
9 juin 2020
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