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Les hommes lents Résister à la modernité, XVe-XXe siècle

Laurent Vidal Flammarion, 2020, 304 p., 20 €

Une lecture rythmique de la société occidentale par le biais des hommes lents ! Telle est la proposition originale de cet essai. Laurent Vidal, professeur d’histoire contemporaine, s’attache – avec audace et poésie – à « la figure sociale des hommes lents » qui émerge dans le monde moderne quelque part vers le XVe siècle. D’un côté, la lenteur est marquée d’infamie : indolence, inefficacité, bêtise… et la première partie de l’ouvrage explicite la généalogie de cette discrimination sociale singulière. De l’autre, la lenteur est aussi une subversion possible. Et la dernière partie analyse comment les lents peuvent chercher « à tâtons, par des ruptures de rythmes, la voie d’une autre existence possible ». La partie centrale est consacrée à « la guerre » que la modernité industrielle leur mènerait. Une guerre méthodique face à la paresse, la flânerie, l’oisiveté, aux « temps morts »…, à toutes formes de temps « improductif ». Guerre qui verra le temps du travail devenir « la base d’une nouvelle hiérarchie des temporalités sociales » et qui créera des « impératifs rythmiques » de plus en plus contraignants. Fluide, aussi rythmé que bien écrit, cet essai bénéficie par ailleurs d’une iconographie soignée. Un cliché de Robert Demachy, Speed (1904), une voiture lancée à vive allure sur une route, donne ainsi à voir la nouvelle esthétique et l’ivresse d’une vitesse alors sidérante – la barre des 100 kilomètres à l’heure a été franchie en 1900. Un dernier chapitre propose une excursion dans le très contemporain  ̶  jusqu’aux ronds-points des Gilets jaunes. Soulignant combien mondialisation et révolution numérique ont fait évoluer les formes de discrimination sociale par le rythme, ce chapitre ouvre plusieurs pistes de réflexion, notamment sur la dimension genrée de la catégorie qu'il étudie : si « les hommes lents sont le dépôt nécessaire et imperceptible des sociétés modernes », ou encore leur « sous-texte », que dire des femmes lentes ?

Émilie Reclus
6 mars 2020
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