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À côté de nous le déluge La société d’externalisation et son prix

Stephan Lessenich écosociété, 2019, 232 p., 18 €

La moitié de la planète, dans l’hémisphère nord, vit – malgré certes des poches de pauvreté – à un niveau très supérieur à celui que ses ressources lui permettent, grâce à la spoliation du Sud. Telle est la thèse de l’ouvrage. Le déluge social et écologique est déjà là. Non pas après nous, mais à côté de nous. Une situation qui affecte dès à présent le système économique planétaire. Depuis le début de l’ère industrielle, les pays du Nord ont fait porter par d’autres le poids de leur développement. Aujourd’hui encore, nous vivons grâce aux moyens des autres. Stephan Lessenich, professeur de sociologie à Munich, articule de multiples analyses concrètes avec une construction économique globale, parfois complexe. On y retrouve aussi bien des références à Ricardo qu’à Marx ou à Arrighi Emmanuel, à propos de l’échange inégal. Très riche en exemples, À côté de nous le déluge ajoute aux théories « centre – périphérie » une dimension écologique essentielle, mais aussi l’évidence, pour les citoyens du Nord devenus aveugles, de la normalité d’une consommation de masse. Le concept classique d’externalisation fait bien ressortir comment le Nord trouve toutes ses ressources à bas prix à partir du Sud – même s’il existe des poches de richesse dans le Sud –, auquel il retourne ses déchets. Mais les changements climatiques, comme la crise des réfugiés, rendent visibles les impacts de cette société d’externalisation et son prix. Car la société monde ne dispose plus de zones externes pour se maintenir, contrairement aux révolutions industrielles du XIXe siècle.

Dès le début de l’ouvrage, l’auteur raconte la rupture des barrages de Bento Rodrigues : un désastre environnemental au fond très banal par rapport à tous ceux que provoquent dans des pays pauvres, l’avidité des transnationales, la corruption et le peu de réactions des pays riches. S’il est aisé d’obtenir des visas pour se rendre au sud, cela reste quasi impossible pour les ressortissants du Sud qui voudraient rejoindre le nord. D’abondantes données illustrent le niveau élevé d’inégalités de revenus et de richesse à l’échelle mondiale, comme les différences d’espérance de vie et de vie en bonne santé.

Dans une approche globale, Stephan Lessenich réunit toutes les externalisations faites par le Nord. S’il n’est pas toujours facile à lire, le diagnostic est toujours passionnant, quelles que soient les réserves que l’on peut émettre à propos de certaines thèses affirmées (ainsi, quelle est la situation de la Chine dans ce tableau ?). La réponse à la question des gagnants du capitalisme mondial et des perdants est argumentée ; mais le concept d’externalisation n’indique pas encore comment un autre monde serait possible ; un monde où seraient dévoilées des réalités si évidentes que nul ne songe à les remettre en cause. À côté de nous le déluge contribue cependant à un premier éclairage.

Jean-François Mézières
30 mars 2020
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