Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site

Technopouvoir Dépolitiser pour mieux régner

Diana Filippova Les liens qui libèrent, 2019, 288 p., 21 €

C’est à une autopsie de l’enfermement technique que nous sommes invités ! Diana Filippova n’est pas née de la dernière pluie. « Tout est politique. Tout est propagande » insiste la diplomée d’HEC et de Sciences Po sur son site. Son livre est un long cheminement dans le palais des illusions numériques pour chercher l’endroit où nos sociétés humaines peuvent encore résonner avec la vie. Son originalité réside dans la manière de voir les innovations comme des milieux de vie. « Les techniques naissent dans une configuration historiquement donnée, elles sont comme infusées de l’ordre qui les engendre. Elles sont la traduction, jamais exacte, jamais achevée de certaines fins. » En l’occurrence, Diana Filippova emboite le pas au philosophe Langton Winner, mais surtout à Jacques Ellul et son « système technicien ». Elle explique comment l’asservissement des corps à la production, l’alignement des sociétés au profit économique nourrissent la matrice numérique dans laquelle nous vivons. La conséquence est que tout se dépolitise, au sens où les prises sur le monde n’existent plus. La subjectivité elle-même passe aux oubliettes : les individus ne sont plus que les nœuds d’un réseau. Dans cette architecture artificielle, l’humain est rétréci, au point de devenir un « homme sans qualité ».

L’auteure, qui se réfère aux meilleurs critiques de la technique (Foucault, Illich, Castoriadis, Anders, Fressoz), signale les moments historiques qui ont permis l’égarement où nous sommes : la pensée cybernétique – née après le désastre de 1945 – et l’influence libertarienne d’Ayn Rand, notamment en Californie. Il nous faut sortir de cet imaginaire d’objectivation des vivants et réapprendre à faire de la politique. Comment ? En colonisant les interstices, les espaces publics locaux pour donner corps à une économie alternative collaborative, non plus pour le pouvoir mais pour… la survie !

Dorothée Browaeys
11 mars 2020
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules