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Faut-il refuser le développement ?

Serge Latouche Arthaud poche, 2019 [1986], 368 p., 8,90 €

La question est purement rhétorique ; le titre exact serait plutôt : Refuser le développement ! Aux yeux de Serge Latouche, professeur émérite d’économie, il n’y a rien à sauver dans le développement, une notion toxique s’il en est. La critique, nette et tranchée, avance sur plusieurs fronts. D’abord, l’auteur récuse la vision économiciste qu’elle charrie, qu’elle vienne des économistes libéraux ou marxistes – ces derniers sont, quand il écrit en 1986, les véritables interlocuteurs de l’auteur. Ensuite, il y voit la poursuite de la colonisation. La notion d’impérialisme a alors toute sa force ; ce livre, issu d’un cours appelé « Analyse critique de l’impérialisme économique », fait suite à Critique de l’impérialisme. Une approche marxiste non léniniste des problèmes théoriques du sous-développement. Le développement s’apparente à la fois à un processus d’occidentalisation du monde, réduisant les cultures à un sous-produit de l’économie, et de prédation des pays dits « sous-développés ». L’acceptation par eux de cette dénomination témoignerait « d’une inquiétante dépossession de la discursivité » et de l’imposition du paradigme occidental. Un Occident qui est moins une zone géographique qu’une idéologie matérialiste et productiviste, négatrice des différences et des cultures. Une idéologie techniciste également, la technique étant censée être neutre politiquement et apporter, in fine, la solution à l’ensemble des problèmes de développement… Publié aux Presses Universitaires de France il y a un tiers de siècle, cet ouvrage est aussi le reflet d’une époque. Époque d’avant la chute du Mur de Berlin et d’avant Internet, époque où la dialectique Centre/Périphérie étant encore une grille de lecture du monde. Il contient des passages désuets ou abscons. Sur le fond pourtant, il garde une portée analytique certaine. En effet, qu’il soit qualifié de durable ou d’inclusif, beaucoup font encore comme si le développement n’était pas un imaginaire et un jugement de valeur, ainsi qu’une forme – contestable – d’objectivation du social. Enfin, cette réédition en poche présente un autre intérêt : ressaisir le passage, chez Latouche, de la critique de l’économie au projet de décroissance.

Jean Vettraino
31 octobre 2019
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