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Habiter
Une philosophie de l’habitat

Bernard Klasen Salvator, 2018, 322 p., 22 €

De plusieurs points de vue, il importe de penser aujourd’hui ce que signifie habiter. La facilité mondialisée de nos déplacements, virtuels ou réels, interroge sur nos enracinements et sur la manière de nous y reporter. On pourrait penser aussi aux millions d’exilés qui ont dû rompre brutalement les liens avec leurs racines et leur habitat, et qui témoignent d’une humanité à la recherche d’un nouveau mode d’« habiter ». L’ouvrage n’aborde guère ce point de vue. Car il s’agit en fait d’un vigoureux plaidoyer pour l’enracinement et pour la demeure où chacun et chacune peuvent effectivement se recueillir, construire un intérieur, dans l’oasis d’un lieu. C’est bien pourquoi la philosophie s’impose pour aider à penser ce que sont nos racines. Car il s’agit d’un ouvrage de philosophie, comme l’indiquent le sous-titre et la préface de Jean Greisch, mais surtout les discussions avec Heidegger et Lévinas. Où trouver ces racines ? Dans un sol ? Dans un lieu ? Dans une histoire partagée ? Ce livre, solide et exigeant, est cependant facile à lire, avec l’originalité de chapitres entrecoupés d’excursions qui visitent des lieux forts d’enracinement. Il faut d’abord expliciter les mots pour dire l’habiter. La lecture fine de « Bâtir habiter penser », conférence donnée par Heidegger en 1951, permet ensuite de poser l’hypothèse majeure : habiter est la manière d’être au monde, et même « c’est l’habitant qui est le gardien de l’être ». Mais il faut aussi réfuter les arguments de ceux que l’auteur nomme les « déracineurs » (entre autres, Lévinas ou Radkowski et son nomadisme total). Il est alors possible de déployer les « voix du lieu » et les « voix pour le lieu bâti », qui permettront en conclusion d’avancer quelques suggestions éthiques pour un juste « habiter » : le souci écologique, la contestation de l’agitation et du mouvement, la gratitude, l’humilité et une esthétique de la quotidienneté. Le lecteur sera impressionné par la vigueur de cette défense du lieu et du demeurer, de l’impérieuse nécessité des racines ; contrepoint utile à un penser souvent peu consistant de la mobilité. Il deviendra ainsi possible de réfléchir en vérité la tension entre les deux, mobilité et habiter.

Jean-Marie Carrière
16 octobre 2019
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