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Postvérité et autres énigmes

Maurizio Ferraris Puf, 2019, 176 p., 15 €

De même que l’imbécilité – sujet de son précédent essai chez le même éditeur –, la postvérité est une chose sérieuse ; elle aiderait même à saisir un peu de l’« essence de notre époque ». Avec virtuosité, Maurizio Ferraris, professeur de philosophie à l’Université de Turin, lui consacre ici trois dissertations, cohérentes, qui nécessitent quelques connaissances philosophiques préalables. S’appuyant notamment sur Derrida, il ouvre une troisième voie, à côté des philosophes herméneutiques et analytiques (il reconnaît le caractère approximatif de cette partition), dans la manière d’appréhender la vérité : elle est « une structure à trois termes, qui comprend l’ontologie, l’épistémologie et la technologie, qui doit être considérée comme l’élément (…) qui assure le passage de l’ontologie à l’épistémologie, et permet (…) de faire la vérité. » Car, pour l’auteur, oui : la vérité, c’est quelque chose qu’on fait ; il n’y a pas de vérité en nature. « La vérité n’est en rien auto-évidente, et elle requiert un bon entraînement technique, sans compter une dose de bonne volonté. » Au-delà d’une attaque en règle contre les postmodernistes, courant dont il admet la bonne foi et dont il vient (en partie), Maurizio Ferraris souligne bien le principal danger que recouvre la postvérité : s’il n’y a pas de faits, s’il n’y a que des interprétations, la raison du plus fort peut s’imposer. Confer Silvio Berlusconi ou Donald Trump. La falsification du monde, les « alternative facts », servent d’abord les puissants ! L’un des principaux concepts explicatifs de cet état du monde avancé par l’auteur est la « documédialité », néologisme désignant « le médium technique qui a rendu possible la postvérité : l’union entre la force normative des documents et la porosité des médias à l’âge du web ». Cet essai rappelle enfin que la vérité est intimement liée à la dignité humaine. Il s’avère un complément précieux aux ouvrages paraissant sur la postvérité, venant plutôt du journalisme ou des sciences politiques.

Jean Vettraino
2 août 2019
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