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Le retour des populismes L’état du monde 2019

Bertrand Badie et Dominique Vidal (dir.) La Découverte, 2018, 256 p., 19 €

Voici un nouvel épisode de la saga que la science politique consacre, depuis deux décennies, au retour du « populisme » dans les démocraties occidentales. Le thème a été choisi pour dresser « l’état du monde 2019 ». Dirigé par deux spécialistes des relations internationales, le livre se compose de courtes interventions de chercheurs en sciences sociales, visant à retracer les origines du phénomène (section I), à le caractériser de façon comparative (section II), à analyser ses variantes à l’échelle du globe (section III). Si l’ambition est louable, le résultat est-il à la hauteur ? Le livre ne donne aucune définition du populisme. Il se contente d’une définition allusive qui caractériserait le phénomène hors de toute consistance politique et idéologique. Le populisme désignerait ainsi ce que pointent les médias et la communication politique : un même type de réponse, traversant les siècles et les espaces, à l’expression de la méfiance citoyenne envers les démocraties. Politique de la défiance, le populisme pousserait les citoyens, dans toute société et quel que soit le contexte historique, à une même régression fondamentale vers des identités mythiques : le peuple vertueux, honnête et travailleur. Un tel cadrage, qui s’appliquerait aussi bien au « trumpisme », à la Ligue et au Mouvement 5 étoiles italiens, à Erdoğan, au chavisme, aux Partis du progrès scandinaves, et on en passe, nous apprend-il vraiment quelque chose de nouveau ? Nous permet-il de saisir la dynamique politique de ce phénomène, la manière dont il apparaît, se manifeste, s’institutionnalise ? Toute défiance citoyenne en démocratie serait-elle régressive ? Faute de réponses, le livre ne parvient pas véritablement à construire son objet. Ce qu’il décrit n’est rien d’autre que la montée en puissance de l’extrême droite dans la plupart des pays du monde. Ce qui est assurément un thème inquiétant et crucial. En dépit de ce flottement, l’ouvrage apporte, dans l’ensemble, une information de qualité sur l’actualité politique mondiale. Particulièrement remarquables sont les contributions des économistes Dominique Plihon et Thomas Coutrot, qui essaient de saisir les spécificités de la critique populiste du capitalisme financiarisé. Étonnantes, par contre, sont les références à l’Italie, pourtant laboratoire du populisme contemporain : le livre classe le Mouvement 5 étoiles comme un populisme de droite. Mais cette catégorisation non argumentée pose question. Le M5S se définit comme « ni de droite, ni de gauche » (ce que rappelle Marc Lazar), exactement comme Podemos en Espagne. Surprenante également, l’absence de Podemos de la cartographie européenne : vu l’axe choisi pour traiter du populisme, il faut croire que les auteurs lui ont rendu un hommage politique en évitant d’en parler.

Federico Tarragoni
10 juin 2019
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