Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site

L’économie comportementale en question

Jean-Michel Servet Éditions Charles Léopold Mayer, 2018, 206 p.,19 €

Le thème de cet ouvrage est à la mode. L’économie comportementale prétend mettre en équations le comportement des acteurs économiques, investisseurs, consommateurs, épargnants. L’idée est de mesurer l’écart entre le comportement supposé rationnel (c’est-à-dire optimisateur) de l’acteur et sa conduite réelle. Le traitement, facilité par les moyens électroniques et la masse des données disponibles, reste empirique. Ce qui, naguère, restait confiné dans quelques expériences de laboratoire, où l’on faisait subir des tests plus ou moins simplistes à des cobayes volontaires, peut, aujourd’hui, grâce au big data, être examiné grandeur nature. Jean-Michel Servet, connu pour ses analyses lucides du microcrédit dans le cadre de l’économie du développement, a ici un double mérite : la nouveauté du sujet et la rigueur de son traitement. Il n’a aucun mal à montrer comment l’économie comportementale souffre des mêmes lacunes que les travaux d’étudiants qui penseraient que l’accumulation des données, hors de toute analyse théorique et de critique anthropologique, fait la qualité d’un travail. L’auteur de cet excellent petit ouvrage illustre sur plusieurs cas exemplaires combien l’approche de l’économie par le moyen d’expérimentations empiriques ne bénéficie pas de la neutralité idéologique dont elle se targue. Le dépassement d’une conception étriquée de l’acteur économique, en intégrant dans des schémas heuristiques quelques miettes de psychologie, de sociologie ou de linguistique, ne suffit pas pour appréhender l’économie comme une activité encastrée dans le social, le politique et le culturel. Jean-Michel Servet dénonce les prétentions scientifiques de telles recherches ; à partir d’exemples précis, il souligne les présupposés implicites des économistes « comportementalistes ». Des présupposés qui, loin de rompre avec l’individualisme libéral, en confortent les prémisses. En revanche, se coulant dans une vision personnaliste de l’être humain, il fait honneur à la grande tradition des économistes penseurs du social.

Yann Galena
6 juin 2019
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules