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La fin des libertés Ou comment refonder le libéralisme

Monique Canto-Sperber Robert Laffont, 2019, 288 p., 20 €

À la question « comment peut-on être libéral ? », Monique Canto-Sperber répond par sa propre conviction, forgée dès ses années d’études, lorsqu’elle percevait chez ses condisciples la vanité des militances – de droite comme de gauche – qui s’employaient à vouloir changer l’homme. S’impose pour elle un repli sur cette valeur vraiment sûre : la liberté. Non pas le libertarisme qui se croit tout permis, jusque dans le champ économique, mais la fidélité du sujet à l’exigence d’être soi, capable sans doute du meilleur et du pire, mais capable aussi de vaincre le pire par l’apprentissage du meilleur. Il s’agira dès lors pour chacun d’entre nous de prendre sa propre liberté comme boussole dans le champ social, tout en ayant confiance en la fécondité du régime qui permet à autrui de poser le même choix. Car c’est du débat orchestré par la « main invisible » (Adam Smith) ou par l’« insociable sociabilité » (Emmanuel Kant) que sortiront les solutions qui élargiront la liberté de tous. Sur cette ligne de crête, on voit d’où viennent les dangers qui provoquerait « la fin des libertés ». La lutte contre le terrorisme, la financiarisation de l’économie, la culture numérique, le populisme nationaliste, par exemple, risquent d’ôter aux sujets la maîtrise de leur existence : surveillance excessive, manipulation de l’information, etc. Pour refonder le libéralisme, ne faut-il pas faire retour sur le contrat assignant à l’État social le but de préserver les libertés individuelles dont jouissent les humains en leur état de nature ? Sans doute la démocratie a-t-elle pris un autre visage depuis le temps de Hobbes ou de Rousseau, puisqu’elle veut étendre au plus grand nombre les moyens de la liberté, mais l’intuition est la même : donner à chacun la possibilité d’être soi. Ainsi s’explique, en fin d’ouvrage, un plaidoyer pour un revenu d’existence (impôt négatif) en faveur des pauvres ou pour l’élargissement de l’accès à l’enseignement supérieur. Sur le plan religieux, on notera la préférence libérale pour une définition de la laïcité par la neutralité de l’État. Ainsi, sur le plan du vécu social, chaque sujet pourra pratiquer sa (non)-religion, y compris la femme musulmane qui revêt un burkini sur la plage ou le mécréant qui apprécie les caricatures antireligieuses. Reste alors à élucider, sur le plan métaphysique, l’origine et la fin de cette liberté. Celle-ci, en tout cas, n’est (plus) référée à une quelconque transcendance puisque chaque sujet est seul souverain en lui-même. C’est ainsi que l’auteure regrette les limites encore opposées aux vœux de la femme qui voudrait choisir les bénéficiaires du don de ses ovules, du couple demandeur de l’enregistrement d’une filiation obtenue à l’étranger par gestation pour autrui ou encore du grand malade qui souhaite mettre un terme volontaire à sa vie. Question : à vouloir se libérer ainsi de son propre corps, la liberté ne risque-t-elle pas de se perdre elle-même ?

Xavier Dijon
14 juin 2019
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