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L’Église catholique est-elle anticapitaliste ?

Jacques-Benoît Rauscher Presses de Sciences Po, 2019, 128 p., 14 €

Chacun connaît les grandes lignes de la doctrine catholique concernant la sexualité ou la famille. En revanche, le regard de l’Église sur l’économie est largement méconnu au point que certains ont cru voir dans les discours du pape François une rupture anticapitaliste. Pourtant, il existe une doctrine sociale qui fut toujours méfiante envers le capitalisme. L’auteur, prêtre dominicain, s’attache dans cet ouvrage à expliquer le manque de lisibilité de ces positions. Il tient notamment à la posture des pontifes : cherchant, à travers la doctrine sociale, à maintenir un dialogue avec la modernité tout en se distanciant du marxisme comme de la sécularisation, ils veulent se situer hors du terrain idéologique. Pour ce faire, ils se refusent à caractériser le capitalisme en tant que système économique. Cette approche dessine un pluralisme de capitalismes, qui peut donner l’impression d’un traitement « fantomatique » (Jean-Yves Calvez). Il existe pourtant un propos unifié sur le capitalisme au singulier dans la doctrine sociale. Mais il relève de l’anthropologie, considérant moins des objets économiques que des motifs éthiques et une mentalité. Ainsi, de l’Ancien Testament à Laudato si’, l’Église condamne l’amour de l’argent, l’individualisme, le réductionnisme qui fait de l’homme un individu intéressé et amoral. Après cette analyse du sens profond de la doctrine sociale, Jacques-Benoît Rauscher consacre un chapitre à présenter quelques types d’attitudes de catholiques à l’égard du capitalisme. Il en distingue trois : intransigeantisme (Emmanuel Mounier, théologie de la libération, le mouvement des Focolari), réformisme (John A. Ryan, Louis-Joseph Lebret) et conciliarisme (Michael Novak, Jean-Yves Naudet). Dans un dernier chapitre, il constate qu’aucune de ces attitudes ne traduit vraiment la doctrine de l’Église – refus de l’ethos capitaliste et acceptation partielle de ses structures – et met en cause « l’attraction du catholicisme vers la modernité ». Le déontologisme (évacuant la prise en compte des situations particulières) et le conséquentialisme (évacuant l’universel à l’aune duquel on peut juger) sont deux approches modernes qui ne permettent pas de se diriger correctement dans l’économie capitaliste. Jacques-Benoît Rauscher propose de chercher dans l’éthique des vertus un dépassement de ces apories. En une centaine de pages, ce livre relève le défi d’introduire le lecteur à la doctrine de l’Église sur les questions économiques, en offrant des clés pour en saisir la cohérence et l’originalité. Les références données par l’auteur permettent de poursuivre la fructueuse réflexion ainsi commencée.

Louis de Bonnault
5 mai 2019
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