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Comment l’Empire romain s’est effondré Le climat, les maladies et la chute de Rome

Kyle Harper La Découverte, 2019, 544 p., 25 €

Il y a d’excellentes raisons de lire cette somme d’un professeur d’histoire américain, spécialiste reconnu de l’Antiquité tardive. D’abord, il raconte, avec talent, une autre histoire de l’Empire romain. Depuis les travaux fondateurs sur la chute de Rome du grand historien anglais Edward Gibbon au XVIIIe siècle, les « explications » s’accumulent, se complètent ou se contredisent… Kyle Harper n’apporte pas qu’une interprétation supplémentaire : il relit l’ensemble à la lumière de l’histoire environnementale – celle du climat et des microbes – grâce à de nouvelles sources et aux avancées inouïes de la recherche. Il s’intéresse de près à la démographie ainsi qu’à l’économie, l’une de ses thèses étant que « l’essor de l’Empire romain a été le catalyseur – mais aussi la conséquence – d’une efflorescence économique », celle-ci ayant été permise notamment par un « optimum climatique » (circa - 250/150). Le refroidissement qui s’ensuivit (un « petit âge glaciaire » débuta au Ve siècle), conjugué à une série d’épidémies (la peste bubonique tua la moitié de la population vers le milieu du VIe siècle) contribua fortement à défaire l’Empire romain. Comme tous les grands livres d’histoire, c’est aussi un livre d’historiographie. On y voit l’histoire environnementale, comprenant celle des agents pathogènes en train de se construire, grâce entre autres aux avancées de l’anthropologie physique et de la recherche microbienne (les sépultures nous renseignant sur l’état de santé d’alors)… 130 pages d’annexes, de notes, de bibliographie et de présentation de certaines sources donnent un aperçu des démarches mobilisées – la remarquable préface de Benoit Rossignol aidant à saisir ce mouvement. Enfin, alors que la « collapsologie » s’affirme et que l’effondrement des sociétés du passé nous interroge (cf. le best-seller de Jared Diamond), on trouvera ici matière à penser, tout en nuances et sans déterminisme, pour les sociétés contemporaines. Ce que l’auteur exprime de manière ramassée à la fin de l’épilogue : « La primauté de l’environnement naturel dans le destin des civilisations nous rapproche des Romains, nous qui sommes blottis les uns contre les autres pour admirer le spectacle du passé sans nous soucier du nouveau chapitre qui s’ouvre et prend des chemins que l’on reste incapable d’imaginer. »

Émilie Reclus
14 avril 2019
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