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Heineken en Afrique Une multinationale décomplexée

Olivier Van Beemen Rue de l'échiquier, 2018, 304 p., 20€

L’enquête « Heineken en Afrique » est une véritable plongée dans l’univers du géant brassicole. Corruption, publicités mensongères et abusives, coopération avec des régimes autoritaires ou pendant les guerres : autant de travers dénoncés de l’empire néerlandais sur le continent. L’Afrique représente l’espace économique où Heineken – comme ses concurrents Anbev et Castel – réalise les plus hauts taux de profit. Au Burundi, c’est jusqu’à 17 % du budget d’un adulte qui est consacré à la bière ! Au Nigeria, la bière est plus lucrative qu’au Royaume-Uni où la consommation est pourtant deux fois plus importante. L’Afrique est bien l’eldorado des brasseries internationales, prêtes à tout pour défendre leurs positions quasi monopolistiques. Au Nigeria, Heineken a déployé des « promotrices » dans les bars et les clubs, contraintes souvent à la prostitution. La guerre marketing autour de la bière passe par la conquête des corps et des esprits. Heineken doit aussi entretenir les meilleures relations avec la classe politique. Au Nigeria, en Ouganda ou au Lesotho, la multinationale contribue à la rédaction des lois de santé sur l’alcool tout en ouvrant son capital aux investissements de responsables politiques. Au Burundi, Heineken détient 59 % de la brasserie nationale ; le reste est détenu par l’État. À ce titre, le président de la République peut nommer des membres au conseil d’administration de la brasserie « Brarudi ». En 2015, quelques semaines avant la validation par la Cour Suprême de la modification de la constitution pour se maintenir au pouvoir, M. Nkurunziza fait nommer au CA de Brarudi Charles Ndagijimana, le président de la Cour. Dans un pays en pleine crise économique, la brasserie nationale contribue à 30 % des recettes fiscales et Heineken contribue lourdement au maintien en place d’un régime aux abois. Au Rwanda voisin, Heineken tournait à plein régime pendant les épisodes génocidaires, violant les embargos et contribuant au déferlement de violences quotidiennement abreuvées d’alcool. En République démocratique du Congo, les péages illégaux des groupes armés n’ont jamais empêché Heineken de distribuer les caisses de bières dans tout l’est du pays. Pour redorer son blason, le brasseur investit l’humanitaire et met en avant sa « responsabilité sociale ». Pour autant, depuis 1965, il a développé des pratiques fiscales qui lui permettent de maximiser ses profits en Afrique. Le paravent « Interbra » puis Ibecor demeure « la contribution la plus mystérieuse à la rentabilité (du groupe) en Afrique ». Le géant Heineken et ses dirigeants n’ont pour l’instant pas été condamnés ou démis : un combat à poursuivre pour les ONG ?

Laurent Duarte
18 avril 2019
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